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brocher sur le tout, le refuge du parti libéral à la légation d’Angleterre avait été préalablement négocié par Seyyed’Abdoullàh. La vie de la capitale se trouvait paralysée tout entière.

Le mois d’août valut aux Téhéranis des semaines de joie. Chômage universel : le vaste jardin de la légation d’Angleterre, ombragé de grands platanes, était livré au peuple ; les tentes s’y succédaient, largement ouvertes ; les tapis recouvraient le sol ; le riz bouillait en d’immenses marmites sur des troncs d’arbres embrasés ; le soir, s’allumaient lampes et bougies. Il y avait un bassin pour les ablutions, une tente pour les assemblées ; plusieurs milliers d’individus y avaient élu domicile ; la ville entière y passait ses journées. Ce fut, sous le climat chaud et sec de l’été iranien, le pique-nique le plus grandiose qu’ait jamais connu la capitale.

Si le mouvement libéral a complètement saccagé la légation d’Angleterre, du moins n’a-t-il pas incommodé la diplomatie britannique. Le corps diplomatique a coutume de passer la saison chaude au pied du Tautchal, dans les villages de Zerguendeh et de Goullahek ; le Shah lui-même se trouvait, un peu plus haut, au palais de Niavaran. La destitution d’Aïn-ed-dowleh, son remplacement par Mochir-ed-dowleh enlevèrent, dès le début, toute acuité à l’affaire ; il ne resta plus qu’à discuter à loisir l’organisation de la liberté. Sur ce point, l’entente fut assez facile ; le nouveau Sadr ‘Azam participait au mouvement ; ni le Shah, ni les autres ministres n’y étaient hostiles ; seuls les gens de la Cour et quelques vieux prêtresse montraient récalcitrans, mais on ne pouvait, pour leurs beaux yeux, abandonner indéfiniment la légation d’Angleterre aux dégâts du parti libéral.

Un destèkhatt, émané du souverain, admit le principe d’un conseil national, librement élu, désormais chargé de contrôler le gouvernement et de préparer les lois ; restaient à élaborer les règlemens organiques de la nouvelle institution. Le différend ainsi tranché n’avait pas soulevé la moindre animosité entre le peuple et le souverain ; le 5 août, les réfugiés célébrèrent la fête du Shah par des illuminations et des feux d’artifice ; le 14, les mollahs fugitifs, dont l’exode n’avait point dépassé Koum, rentraient triomphalement en ville. Une commission de trois cents membres, choisis parmi les princes, les kadjars, les mollahs, les négocians et les artisans, en vue de rédiger la loi électorale, se réunit, lu 18 août, à l’Ecole militaire ; cette date marqua la fin des