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le ramena à Téhéran et lui valut un flot d’auditeurs, quand il prêchait le vendredi dans la mosquée du Sadr-ol-Oulémâ, en plein bazar, et dans celle d’A. Seyyed Mohammed, au mois de ramazan.

Le haut clergé de la capitale se maintint tout d’abord à l’écart de cette agitation. L’Imam djoumé, Hadji Mirza Aboul-kapsem, était réactionnaire par profession ; il vivait grassement de sa charge et de la sainteté de son père, devenu l’un des imamzadès les mieux achalandés de la ville ; ses relations de famille le rattachaient à la Cour : l’une de ses filles avait épousé Cheikh-oul-Reis, un prince Kadjar ; son frère, Zéin-ol-Islâm, gardien-chef de la médresseh du Sepeh Salar, était gendre de Mouzaffer-eddîn Schâh. Les deux grands moudjteheds de Téhéran avaient vieilli sous l’ancien régime ; fils de grands moudjteheds, originaires, l’un du Fars, l’autre de Hamadan, élevés à Nedjef et à Samarra, ils étaient revenus dans la capitale pour y occuper les lucratives fonctions, détenues par leurs pères. Seyyed’Abdollâh passait pour un mollah conservateur, accessible aux largesses du pouvoir ; Seyyed Mohammed était, au contraire, d’une rigidité notoire et plus sympathique aux libéraux.

Une querelle, survenue entre le Sadr ‘Azam et Seyyed’Abdoullab, entraîna la vocation du grand moudjtehed, qui devint brusquement le protagoniste de la révolution ; les esprits étant mûrs, ce minime incident fit éclater la crise. Exaspéré des attaques des prédicateurs, le Sadr’Azam s’en était pris à Seyyed’ Abdoullâh, qu’il accusait de complicité ou de négligence ; le moudjtehed répondit en déchaînant contre le premier ministre un nouveau prédicateur, plus violent encore que les précéddns, Cheikh-Mohammed-Va’ez. Le 7 juillet 1906, Cheikh-Mohammed fut arrêté, puis délivré par la foule ; dans la bagarre, un Seyyed resta sur le carreau. Le sang du Prophète criait vengeance ; une réunion générale du clergé fulminant l’anathème réclama le renvoi du Sadr’Azam, l’octroi d’une constitution ; des désordres se produisirent ; quelques individus furent tués. L’indifférence du pouvoir irrita les mollahs, qui se retirèrent au sanctuaire voisin de Schahzâdè’Abdoul-’Azîm, puis, affectant de craindre pour leur sécurité, s’ébranlèrent vers le Sud, en route pour les Lieux Saints. Le départ des Akhounds de Téhéran signifiait la grève du culte, de l’enseignement et de la justice ; les marchands y joignirent la grève du commerce par la fermeture des bazars. Pour