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persans à Smyrne et à Beyrouth, davantage encore à Alexandrie et au Caire.

La fermentation des idées nouvelles parmi les groupemens persans de la Russie, de l’Egypte et de l’Inde provoqua l’apparition simultanée de journaux, qui, secrètement, pénétrèrent en Perse, y critiquèrent l’état de choses établi et préconisèrent les avantages de la liberté. Le seul de ces journaux qui s’acquit la faveur universelle, fut le Habl-oul-matin (l’aide puissante), une feuille hebdomadaire de vingt-quatre pages, publiée depuis quatorze ans par un Seyyed de Kachan, exilé à Calcutta. Puis, vinrent les journaux persans du Caire, le Tchehré Nouma (celui qui montre son visage), et le Hikmet (la sagesse). Un journal de Bakou, Irchâd (la bonne voie), se répandit dans tout le Nord de l’Iran ; il en fut de même d’une feuille humoristique rédigée en turc azéri, le Mollâh Nasreddin, qui parut à Tiflis en 1906. En outre, les journaux arabes de l’Egypte, notamment le Mouayyad, semèrent ta bonne parole dans les rangs du clergé.


III

Deux événemens, la guerre russo-japonaise et la révolution russe, amenèrent à maturité le mouvement qu’avaient initié, parmi l’intelligence persane, aussi bien civile que religieuse, l’évolution du Chiisme et le contact de l’Europe. Le bruit des victoires japonaises secoua l’assoupissement de l’Iran ; l’espoir lui revint, à cette démonstration décisive, que les peuples ne s’élevaient point à la dignité impériale, en vertu d’une sélection préétablie, mais bien par le travail et par l’effort. D’un mouvement unanime, la masse iranienne réclama la diffusion des lumières ; dans les principales villes, l’initiative privée ouvrit des rudimens d’hôpitaux et d’écoles ; le gouvernement recruta en France un surplus de médecins et de professeurs et tenta, par des concessions opportunes, d’intéresser l’Allemagne au sort de la Perse. En même temps, la poussée révolutionnaire russe franchissait la frontière ; les provinces les plus peuplées, les plus riches, les plus influentes sont limitrophes de la Russie ; tout le Nord-Ouest de l’Iran est habité par des populations turques de même langue et de même race que le Sud du Caucase, séparé depuis un siècle à peine du reste de la monarchie. Les agitations de Tiflis et de Bakou eurent leur contre-coup