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hommes y sont constamment attentifs aux messages de Dieu, préparés à la venue d’un nouveau Prophète, d’un nouveau Messie. Seyyed’Ali Mohammed, de Chiraz, rejeta la méthode ordinaire des docteurs de l’Islam, pour se présenter en précurseur de l’Iman Mehdî. Le Beyân, qui contient sa doctrine, descendit sous forme de versets. Le système en est si hardi, la morale si pure qu’il a fait l’admiration de tous les orientalistes. Il va sans dire que l’orthodoxie fut énergiquement défendue par le corps des mollahs. Jusqu’à la dernière génération, toutes les villes de l’Iran restèrent divisées en deux partis adverses par les querelles des Haïdarîs et des Né’métîs, des orthodoxes et des derviches. Les oulémas signalèrent impitoyablement les novateurs à la vindicte du bras séculier ; Nasreddîn-Schâh fit fusiller le Bab, coupable d’annoncer le retour du douzième Imam.

A l’heure actuelle, les querelles religieuses sont à peu près apaisées ; presque tout le monde se déclare publiquement orthodoxe, — Moutéchérrii, — ne reconnaissant que le Livre Saint et les traditions. Mais, en fait, Babîs, Cheikhis et Né’metoullâhîs continuent à vivre de façon plus ou moins ouverte. La communauté babie est organisée et relève de Soubh-i-Ezel, qui vit à Chypre ; les Béhaïs, qui sont le plus grand nombre, forment dissidence et se rattachent à Abbas-Effendi, établi à Saint-Jean-d’Acre. Il y a des moudjteheds qui jugent impunément selon la jurisprudence cheikhie. Les Né’metoullâhîs possèdent leurs couvens et leurs clubs ; leur chef est un Kadjar, Zahir-ed-Dowleh, gouverneur de Hamadan. L’un des grands moudjteheds de Tauris, Caqqat-oul-Islam, est le principal mourchid des Cheikhîs. On affirme qu’il compte 100 000 adeptes ; les Né’metoullâhîs se disent 30 000 ; une de leurs branches, les Zahabîs, dont le mourchid est Medjoul-Echraf, gardien du tombeau de Schâh Tchirag à Chiraz, compterait, à elle seule, 10 000 adhérens. Quant aux Babis, réels ou dissimulés, il est difficile d’apprécier leur nombre qui serait fort élevé La plupart des Cheikhis appartiennent au clergé, Né’metoullâhîs et Zahabis se recrutent dans les classes élevées ; les Babis dans la classe moyenne et la meilleure partie du peuple. Quoi qu’il en soit et bien que les Persans évitent de se rattacher manifestement à aucune de ces doctrines, il est évident que leur expansion est désormais irrésistible ; assez indifférentes en matière de dogme, elles s’accordent à affirmer la nécessité de réformes profondes en religion et en politique, se font