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dégénérée. Le Soufisme, c’est-à-dire la forme musulmane des systèmes panthéistes de l’Inde, avait servi au triomphe du Chiisme et se répandit, par la suite, à la faveur de la religion dominante ; il fournit des doctrines propices à la crédulité des ignorans aussi bien qu’à l’intellectualisme des raffinés. Le peuple s’engagea dans la voie des Ali-Allahis, et des sectes analogues, qui, poussant le Chiisme à l’extrême, finirent par diviniser Ali. Il se créa une vie monacale errante et solliciteuse, selon la règle des Kaksars et des Adjems. De leur côté, les gens cultivés, préférant au dogme mystique la spéculation philosophique, suivirent les enseignemens des théologiens et des penseurs. L’Iran écarta les confréries religieuses du Sunnisme pour en établir de plus conformes à ses goûts ; sous le couvert d’une règle de vie et d’une discipline de prières, ces confréries devinrent, à l’usage du petit nombre, de véritables écoles de philosophie.

La chaîne spirituelle des confréries chiites remonte au tronc commun du Soufisme et s’en détache au Cheikh Mahrouf, de Bagdad. A l’époque de Tamerlan, un Seyyed de Syrie, Schâh Né’metoullâh, vint enseigner à Ispahan, Ghiraz et Kerman, où il est enterré. Son fils, Schâh Khalîl, porta la doctrine aux Indes et la maison mère des Né’metoullâhîs se maintint à Haïderabad, dans le Dekkan. L’absence du chef, l’hostilité des mollahs arrêtèrent l’extension de la confrérie dans l’Iran. Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, un Né’metoullâhî d’Haïderabad, Seyyed Ma’sôum Ali Schâh, fils d’un vizir du Nizam, entreprit d’exercer son apostolat en Perse et d’y rétablir la splendeur de la doctrine. Les Né’metoullâhîs et leurs dérivés forment aujourd’hui la secte la plus considérée parmi l’intelligence persane. En bons Soufis, ils croient à l’anéantissement définitif des êtres dans l’essence divine ; ils prêchent le dégagement des choses terrestres et le perfectionnement de l’individu.

Au XIXe siècle, en dehors de toute confrérie religieuse, un mouvement nouveau se marqua dans le chiisme. Les mollahs sentirent le besoin de restituer la pureté primitive d’une religion incessamment déformée par les superstitions populaires. Un Arabe chiite de Bassora, Cheikh Ahmed Ansarî, enseigna la doctrine cheikhie, qui s’efforce de nettoyer et de spiritualiser le dogme, envahi par les broussailles de la tradition. De son école, sortit le Bab : l’Orient est la terre bénie du surnaturel, les