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martyre des Imams. Les talébès, — étudians, — se font lecteurs de Coran ou maîtres d’école. Dans chaque quartier des villes, dans chaque agglomération des campagnes, ils ouvrent un mekteb-khânéh, dans une petite boutique, ou dans quelque mosquée en ruines. Chez eux, la jeunesse persane apprend à lire dans le Coran, dont elle ne comprend pas la langue et s’initie à la culture iranienne, par les vers de Sâdî, et de Hâfiz, dont la philosophie lui échappe… Ceux qui désirent acquérir un supplément de connaissances fréquentent les médressés, mal entretenues d’ailleurs, ou bien plutôt suivent les leçons de professeurs et de moudjteheds en renom.

Car le moudjtehed attend dans sa maison aussi bien les élèves que les plaideurs. Il est le docteur de la loi, celui que le consentement unanime reconnaît capable d’une déduction logique des textes, et qualifie en conséquence pour distribuer la justice entre les hommes. Assisté de greffiers et d’avocats, le moudjtehed tient un tribunal ; il évoque les affaires déjà jugées par les pichnamazs des mosquées ou les gardiens des tombeaux, qui font fonction de notaires et de juges de paix ; il retient les causes relevant de la loi religieuse, abandonnant à l’autorité civile celles qui ressortissent au droit coutumier… En cas de besoin, les appels vont au tribunal, formé par la collectivité des grands prêtres. Naguère, les moudjteheds s’arrogeaient le droit d’exécuter leurs propres sentences, fût-ce en matière criminelle. Nasreddîn-Schâh parvint à réduire ces prétentions : il est désormais admis que les autorités compétentes se chargent de saisir les moudjteheds et d’assurer l’exécution de leurs décisions.

La multiplicité des tombeaux saints, éparpillés dans le pays, ouvre au clergé persan une activité spéciale ; les gardiens des tombeaux sont le plus souvent des Seyyeds élus par la voix populaire ; mais, dans les tombeaux illustres, notamment à Méchhed, où l’influence d’un moutevelli bachi pourrait devenir dangereuse, le gouvernement désigne des fonctionnaires de son choix.

Dans l’Islam chiite, où la disparition du douzième Imam a privé les fidèles des lumières d’en haut, les grands moudjteheds forment la réunion des Pères, chargés de maintenir l’église veuve de son chef, dans une voie aussi droite que le permet l’humaine faiblesse. Bien que de vulgaires mollahs aient réussi à s’élever, par leur science, à la dignité de moudjteheds, il est rare que le peuple accepte comme tels des gens qui ne lui