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sur leur psychologie et leur philosophie religieuses. Ici se retrouve, — pour le grand bénéfice de l’historien littéraire, — le moraliste pénétrant et inquiet dont nous avons suivi le long pèlerinage passionné « sur les chemins de la croyance. » C’est qu’il avait parfaitement compris que toute philosophie est déterminée dans sa teneur générale par la position qu’on a prise sur la question religieuse. Là encore, son expérience personnelle lui avait été d’un singulier secours. A force d’agiter pour soi-même, et sous leurs formes les plus diverses, les problèmes religieux, il avait acquis comme un secret et sûr instinct qui lui permettait de se représenter avec une remarquable exactitude, et, pour ainsi dire, du premier coup d’œil, et de définir avec une lumineuse netteté l’état d’âme des écrivains les plus différens sur cette délicate matière. Voyez à cet égard les pages où il essaie de caractériser la « religion » de Ronsard et celle de Marot, celle de la reine de Navarre et celle de Calvin. Il faut au moins citer celles-ci, où l’on notera au passage, sous l’impersonnalité même des termes, comme un curieux et involontaire retour de l’écrivain sur lui-même :


… Les motifs de la conversion de Calvin à ses propres idées nous sont encore aujourd’hui mal connus. Il n’y a rien, on le sait, de plus varié, ni de plus secret, — de plus caché souvent à elles-mêmes, — que les chemins qui mènent les âmes religieuses d’une croyance à une autre ; et, quand elles ne nous ont pas laissé de « confessions » personnelles qui nous guident, rien n’est donc plus difficile que de voir clair dans les motifs obscurs de leur conversion. Or… Calvin… nous dit bien… que « combien qu’il fût obstinément adonné aux superstitions de la Papauté, Dieu, par une conversion subite, dompta et rangea à docilité son cœur trop endurci en telles choses ; » et nous savons, d’autre part, qu’il résigna ses bénéfices au mois de mai 1534, ce qui était la consommation de la rupture. Mais, pour « subite » qu’elle fût, sa conversion ne s’est pas faite en un jour, et on aimerait savoir quelles en furent les raisons.

Elles n’ont certainement pas été « philologiques ; » et ni avant sa conversion ni depuis, il ne semble que Calvin ait un moment douté de l’entière authenticité de la révélation. On le verra plus tard poursuivre en Sébastien Castalion le blasphémateur du Cantique des cantiques. Elles n’ont pas été « philosophiques, » et ni le surnaturel général, ni ce surnaturel particulier dont l’action se mêle, sous le nom de Providence, à la vie quotidienne de chacun d’entre nous, n’ont offensé son rationalisme. Bossuet même et Joseph de Maistre ne feront pas plus tard une place plus considérable à la cause première dans le gouvernement des affaires de ce monde ! Ont-elles donc été « théologiques » ou « morales ? » Je crois qu’on devrait plutôt les nommer » historiques, » si, ce qui lui a paru le plus inacceptable du