Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 44.djvu/604

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’histoire de la littérature française, qui est bien l’une des œuvres les plus originales et les plus suggestives de notre temps, une de ces œuvres rares qu’on admire plus profondément à mesure qu’on les pratique davantage. On en sait la curieuse disposition, qui lui avait été suggérée, déclarait-il, par le Précis d’histoire moderne, de Michelet. Au bas des pages, une suite de notices très concises, mais pleines, à en regorger, d’idées, de faits, d’indications de toute nature, simples programmes ou plans d’études plus détaillées sur les principaux écrivains et les principales écoles de notre littérature. Dans la partie supérieure du volume, une sorte de Discours sur l’histoire de la littérature française, vaste tableau d’ensemble où l’on voit se composer, s’ordonner toutes les forces ou influences essentielles qui ont agi sur notre évolution littéraire ; où les grandes œuvres, les grands écrivains et les grandes écoles apparaissent à tour de rôle, caractérisées chacune en quelques mots rapides, mais singulièrement justes et précis ; où l’histoire des idées est menée de front avec l’histoire des faits, des œuvres et des hommes, et toutes ensemble sont rattachées à l’histoire générale ; et tout cela, toute cette énorme matière dominée et maniée avec une aisance, une dextérité, j’allais presque dire une virtuosité dont on ne trouvera pas beaucoup d’exemples ; et enfin, toute cette longue histoire conduite jusqu’à son terme d’un mouvement vif, pressant, impérieux… Je ne voudrais pas multiplier les termes de comparaison trop ambitieux ; mais, puisque, en composant son Manuel, Ferdinand Brunetière avait, à n’en pas douter, pris Bossuet pour secret modèle, il est juste de dire qu’en le lisant, on songe plus d’une fois au Discours sur l’histoire universelle. Il n’eût pas, nous le savons, souhaité un autre éloge.

Le Manuel est, dans son ensemble, une nouvelle application, une application en grand de la méthode évolutive à l’histoire tout entière de la littérature française. Le fondement d’une pareille méthode étant la chronologie, et une chronologie rigoureuse, Brunetière avait cru devoir, — et il s’en félicitait vivement, — attacher aux dates une importance capitale. Une œuvre considérable étant donnée, son effort essentiel consistait à la « situer » exactement dans la série historique où elle venait d’apparaître, à déterminer avec précision les traits qui la rattachent à telle ou telle œuvre contemporaine ou antérieure, ceux qui lui appartiennent bien en propre et par lesquels elle a