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ESQUISSES CONTEMPORAINES

FERDINAND BRUNETIÈRE


II[1]
LA DERNIÈRE INCARNATION

Je revenais de Rome, où j’étais allé, quoi qu’on en ait pu dire, sans autre intention que de renouveler des souvenirs déjà vieux de vingt-huit ans alors, et qui le sont donc aujourd’hui de quarante. Comme je l’avais été jadis à l’audience de Pie IX, j’avais eu l’honneur d’être admis à l’audience de Léon XIII, et pendant trois quarts d’heure je m’étais prêté, non sans quelque émotion, à l’interrogante, je serais tenté de dire « malicieuse » et paternelle curiosité de ce grand vieillard. Ai-je besoin ici de rappeler à que, point les choses de France l’intéressaient, et je ne sais, à ce propos, dans quelle mesure son influence avait pu contribuer, directement ou indirectement, au rapprochement de la France et de la Russie, mais, en ce temps-là, — novembre 1894, — rien ne lui tenait plus à cœur, et, pour en parler, comme aussi des suites qu’il en espérait, sa voix retrouvait une ardeur qui n’avait d’égale que la vivacité de sa gesticulation. Il me parla ensuite de ce qu’on appelait alors « l’esprit nouveau, » et il me demanda ce que je croyais qu’on en pût attendre. Il se plaignit, avec un sourire, ce singulier sourire où il semblait que sa très grande bonté se masquât d’ironie, de ceux qui résistaient à ses « directions, » — ce ne fut pas le mot dont il

  1. Voyez la Revue du 1er mars.