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chez sa malheureuse sœur, où la vieille princesse Ferdinand, si fière et si imposante, et la princesse Louise, si vertueuse et si pure, mêlèrent leurs larmes à celles de ces deux femmes dont elles ne voyaient, dans ce moment, que les regrets et le malheur[1].

J’anticipe sur les calamités qui ont désolé mon pays et dont le souvenir est trop présent à ma mémoire, et j’oublie qu’ils étaient loin de nous encore, au moment où j’habitais Prague avec ma mère : je reviens à cette époque.

Ma sœur Wilhelmine, blessée de ce qu’elle appelait les torts de la cour de Berlin à son égard, voulut avec un peu de mauvaise tête se montrer promptement consolée. Elle fixa son choix sur le prince Louis de Rohan[2], dont le grand nom, les malheurs de l’émigration, et une jolie figure à laquelle je n’ai jamais trouvé ni noblesse, ni esprit, étaient les seuls titres à une préférence qui blessa beaucoup de rivaux et affligea les amis de notre famille.

Le mariage de mes deux autres sœurs eut lieu dans cette même année. Pauline, la seconde, fort jolie, fort bonne, naturellement spirituelle, mais légère et sans expérience, encore fatiguée de l’imposante autorité de mon père, contrariée du peu d’accueil qu’il avait fait aux propositions de mariage qui lui furent adressées pour elle, effrayée de l’intérieur, alors fort retiré, de ma mère, accepta avec empressement le premier mari qui s’offrit. Ce fut le prince de Hohenzollern-Hechingen, chef de la branche aînée de la maison régnante de Brandebourg, fort grand seigneur, sans doute, de qui je n’ai d’autre mal à dire que l’impossibilité où je suis de le louer sur autre chose que l’éclat de sa naissance.

Peu de temps après, ma troisième sœur suivit l’exemple de

  1. Sur le prince Louis-Ferdinand et Pauline Wiesel, Briefe des Prinzen L. F. von Preussen an Pauline Wiesel, Leipzig, 1865. Introduction de 50 pages. Le volume contient 12 lettres du prince à Pauline et une lettre à Henriette Fromm ; il contient en outre des lettres de A de Humboldt, de Rahel Varnhagen, de Gentz, à Pauline Wiesel et trois lettres de Pauline en français, datées de Saint-Germain-en-Laye (4 août 1838 et 14 avril 1848), et de Paris (22 mars 1848) ; voyez aussi Gentz : Schriften, édités par Schlesier ; et Karl Hillebrand, dans la Revue du 1er mai 1870.
    Le prince Louis eut deux enfans d’Henriette Fromm, un fils et une fille, qui furent anoblis en 1810, sous le nom de Wildenbruch.
  2. Le mariage de la princesse Wilhelmine eut lieu le 28 juin 1800, celui de la princesse Pauline le 26 avril 1800. La princesse Jeanne ne se maria que l’année suivante, le 18 mars 1801.