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MÉMOIRES
DE LA
DUCHESSE DE DINO[1]

SOUVENIRS D’ENFANCE

J’ai eu si peu d’aïeux du nom de mon père que, pour remonter à ce qui, dans ma famille, m’a précédé, il ne me faut ni de bien longues recherches, ni un grand effort de mémoire. Aussi ne me reste-t-il presque rien à dire, sur l’origine de mon grand-père[2], sur ses talens, sa beauté, son courage ; sur la faveur de l’impératrice Anne[3]qui fit sa fortune[4]et le maria à une

  1. Ces pages sont détachées d’un volume qui paraîtra prochainement chez l’éditeur Calmann-Lévy, avec une étude de M. Etienne Lamy sur la duchesse de Dino.
  2. Ernest-Jean Bühren ou Biren, né en 1690. Sa famille, d’origine westphalienne, mais établie en Courlande, y possédait depuis plusieurs générations le domaine de Kalem-Zeem. Elle s’était créé des alliances avec quelques-unes des plus importantes familles du duché, les Lambsdorf, les Behr, les Turnouw.
  3. Anna Ivanovna, fille d’Ivan Alexéiévitch, frère de Pierre le Grand ; elle était duchesse douairière de Courlande quand elle fut appelée au trône de Russie (1730-1740).
  4. Le 12 février 1718, Anne se trouvant encore comme duchesse de Courlande à Annenhof, résidence voisine de Mitau, un petit événement s’y était passé qui devait avoir une influence capitale sur les destinées de la future impératrice et même sur celles de la Russie. Par suite de la maladie du grand maître de cour, Pierre Mikhaïlovitch. Bestoujef, un employé de la chancellerie, porta à la duchesse des papiers à signer. Elle lui dit de revenir tous les jours. Un peu après, elle en faisait son secrétaire, puis son gentilhomme de la chambre. Il s’appelait Ernest-Jean Bûhren (Waliszewski, l’Héritage de Pierre le Grand, in-8o. Paris, 1900, p. 173 et 179). En 1725, il accompagna la duchesse à Moscou pour le couronnement de Catherine 1re et lorsque Anne fut impératrice, à son tour, le favori fut tout-puissant. En 1737, il fut élu duc de Courlande par la Diète courlandaise. Le diplôme de l’élection est daté du 2-14 juin de cette même année ; il fut ratiûé le 13 juillet suivant par le roi de Pologne Auguste III. (Kruse, Kurland unter den Herzogen, 2 vol. in-8o, Mitau, t. II, p. 2.)