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ou de sacrifices réciproques. Si on marche quelquefois très lentement, on est sûr du moins de ne pas s’égarer lorsqu’on marche avec lui.


L’Angleterre était absorbée par ces questions balkaniques lorsqu’une autre, d’un caractère très différent, est venue tout d’un coup s’imposer à elle. Le Times a publié le 6 mars une nouvelle très impressionnante, à savoir que l’empereur d’Allemagne avait écrit une lettre à lord Tweedmouth, premier lord de l’amirauté, lettre qui était de nature à influencer le ministre dans l’exercice de ses fonctions.

Le Times tenait la nouvelle de son collaborateur militaire, qui la lui avait communiquée par une lettre dont voici le texte : « Je considère de mon devoir de vous demander d’attirer l’attention du public sur une question de grave importance. J’ai appris que Sa Majesté l’empereur d’Allemagne avait récemment envoyé une lettre privée à lord Tweedmouth, ministre de la Marine, au sujet de la politique navale anglaise et allemande, et que sa missive constituait une tentative pour influencer, dans l’intérêt de l’Allemagne, le ministre responsable du budget de la Marine. La lettre est authentique, sans aucun doute, et une réponse a été envoyée. Dans ces circonstances, et comme l’affaire ne peut être tenue secrète longtemps, par suite du nombre de personnes qui, malheureusement et à tort, ont été mises au courant, j’ose espérer que vous insisterez pour que la lettre en question, ainsi que la réponse, soient soumises au Parlement sans délai. » Le Times a fait suivre cette lettre de commentaires qui en précisaient et en aggravaient encore la portée. Ce n’est pas exagérer de dire qu’il y a eu en Angleterre, lorsqu’elle a été connue, une tempête d’indignation et de colère. Chaque Anglais s’est cru atteint dans sa dignité. et dans son indépendance. Quoi ! un souverain étranger avait écrit à un ministre sur des affaires qui ne le regardent pas, et auxquelles la défense et la sécurité du pays sont attachées ? Qu’a écrit l’Empereur ? Qu’a répondu le ministre ? Pendant plusieurs jours l’Angleterre n’a pas eu d’autre préoccupation que de le savoir. Il a fallu que le gouvernement apportât tout de suite quelques explications au Parlement ; mais elles n’ont pas suffi, et effectivement elles n’étaient pas suffisantes : En l’absence de sir Henry Campbell Bannerman, que sa santé tient en ce moment éloigné des affaires, M. Asquith a dit à la Chambre des communes qu’une lettre privée avait été effectivement écrite par l’empereur Guillaume au ministre de la Marine, que celui-ci y avait répondu, que cette correspondance n’avait pas