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quelques-uns des projets, un peu particuliers, qu’elle cherche à faire prévaloir dans les Balkans.

L’Angleterre, en effet, a une conception qui lui est propre des réformes à introduire en Macédoine, qu’il s’agisse, soit de l’organisation de la gendarmerie, soit de l’administration de la justice, et il y a lieu de croire que la Porte y résistera par tous les moyens dilatoires dont elle dispose. Nous ne dirons pas que l’opposition de la Porte est légitime, car sa détestable administration dans les Balkans appelle les correctifs les plus vigoureux, mais elle est naturelle. Son autorité souveraine serait entamée si les projets anglais se réalisaient. Sir Edward Grey, dans un discours récent qu’il a prononcé à la Chambre des communes, n’a parlé de rien moins que d’instituer en Macédoine un gouverneur accepté, c’est-à-dire désigné par les puissances, à l’exemple de ce qui se passe au Liban. « Si un gouverneur turc, a-t-il dit, était nommé pour un certain nombre d’années, un homme dont les fonctions et les pouvoirs seraient reconnus par les puissances, et s’il avait les mains libres, si sa position était assurée, je crois que toute la question de Macédoine pourrait être résolue. » Nous n’en sommes pas aussi sûr que sir Edward Grey. La nomination d’un gouverneur investi d’une sorte d’autonomie pourrait sans doute exercer une influence heureuse sur la situation intérieure de la Macédoine, mais elle n’éteindrait nullement les ambitions et les rivalités ardentes qui menacent du dehors cette malheureuse province, et qui visent à tout autre chose qu’à faire d’elle un nouvel État semi-indépendant. Il ne faut d’ailleurs pas confondre un discours parlementaire avec un acte diplomatique, et sir Edward Grey n’a pas fait, à notre connaissance, un acte de ce genre. Il n’a adressé, au sujet de l’institution d’un gouvernement de la Macédoine, aucune proposition aux puissances, non plus qu’à la Porte, et le plus probable est qu’il a voulu seulement donner à réfléchir à cette dernière. Mais la Porte, en effet, fera bien de réfléchir à toutes les éventualités qui pourraient se produire si les prétendues réformes macédoniennes continuaient d’être un mensonge et une duperie.

Le danger pour elle ne serait pas seulement dans l’impatience qui pourrait gagner l’Europe, et l’amener à prendre des résolutions énergiques. A côté des grandes puissances parfois imprudentes, mais pacifiques et sages, les petits États balkaniques n’ont pas toujours ces qualités au même degré, et quelques-uns se tiennent prêts à profiter de tous les événemens qui peuvent se produire en Macédoine, sinon même à les provoquer. La Bulgarie, par exemple, — pourquoi