Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 44.djvu/467

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

une rangée entière est formée d’ouvrages d’histoire ecclésiastique, « qui, si leur possesseur les a lus, — ajoute plaisamment Stanley, — nous expliquent, en une certaine mesure, qu’il ait cru devoir emprisonner le Pape, comme le dernier représentant des animaux dangereux ayant occasionné plus delà moitié des querelles et des guerres rapportées dans ces ouvrages. »

Le lit de Napoléon, à Fontainebleau, était « une machine très incommode, consistant en cinq ou six matelas, sous un dais royal, avec deux oreillers de satin à chaque extrémité. » Pendant son dernier séjour au Palais, l’Empereur n’est pas sorti, une seule fois, au-delà des grilles. Il se promenait, le plus souvent, « dans une longue et belle galerie ayant, sur ses" deux côtés, des bustes de ses grands généraux. » Il dînait dans « une misérable petite chambre sans le moindre apparat ; et c’est également « dans une antichambre de très pauvre aspect » qu’il a signé son abdication. Enfin Stanley, avant de quitter Fontainebleau, apprend qu’un autre ennemi de Napoléon est venu, quelques jours auparavant, visiter la « petite antichambre » de l’abdication. Son guide lui dit simplement qu’il a vu entrer, au Palais, « trois messieurs étrangers, » dont il ignore le nom ; mais ces messieurs ont inscrit eux-mêmes leurs noms, sur un carré de papier qu’ils ont discrètement glissé derrière une glace, dans la salle à manger du principal hôtel de la ville : « Sa Majesté le roi de Prusse, accompagné du prince Guillaume, son fils, a dîné dans cet appartement, avec son premier chambellan M. le baron d’Ambolle, le 8 juillet 1814. »

A Guignes, Stanley déjeune dans une misérable auberge où Napoléon a passé une nuit. « L’aubergiste me l’a décrit, vêtu d’un manteau gris, comme un perruquier[1] ; il est entré précipitamment, s’est beaucoup agité, est monté dans sa chambre de très bonne heure, et a reparu de nouveau, à neuf heures, le lendemain matin. Mais, ajoutait l’aubergiste, je réponds bien qu’il n’a pas dû dormir pendant tout ce temps-là ! » A Meaux, le voyageur « commence à découvrir les effets de la guerre. » On lui montre un pont de pierre que Napoléon a fait sauter, ainsi que les traces de la terrible explosion des magasins de poudres. Le magasin a été entièrement détruit ; et nombre de maisons voisines restent à demi ruinées ; l’explosion a même abattu plusieurs arbres, dans un jardin du voisinage ; mais une seule personne a été tuée sur place, « probablement un maraudeur occupé à piller. »

De Meaux jusqu’à Châlons, ensuite, Stanley constate un

  1. Les mots imprimés ici en italiques sont en français, dans le texte original.