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ils se remettent ensemble : ils feront un ménage de braves cœurs.

La pièce de M. Bataille n’est pas ennuyeuse ; elle est surtout attendrissante ; c’est la veine inaugurée par Poliche, qui déjà nous avait coûté tant de larmes ! Il y a une victime : nous prenons parti pour elle. Vertueuse comme toutes les fleurs du pavé de Paris, Loulou est une sacrifiée : nous pleurons sur ses malheurs. Mais à cette comédie larmoyante, combien nous eussions préféré une véritable comédie de mœurs, un tableau qui aurait ressemblé à la vie, une étude où la « vérité extérieure, » assez bien attrapée par M. Bataille, eût été le signe de la « vérité intérieure ! »

L’interprétation de La Femme nue est excellente. Il fallait un acteur aussi sûr de lui que l’est M. Guitry, et aussi sûr des sympathies du public, pour faire passer le rôle très désobligeant de Pierre Bernier. Mme Bady est infiniment émouvante. Mme Mégard est très suffisamment princesse, mais avec, je ne sais pourquoi, des intonations de Mme Simone. Et il faut louer tout particulièrement M. a Bour qui a composé avec une rare finesse le type du prince de Chabran.


Aux tableaux de l’Apprentie, l’Odéon fait succéder les tableaux de Ramuntcho. Que Ramuntcho fût dans son essence une œuvre lyrique, nous n’en avons jamais douté. Pour adapter à la scène son propre ouvrage. M. Loti n’avait qu’à le vouloir : les tableaux s’arrangeaient d’eux-mêmes. Tous les lecteurs, ont présent à l’esprit ce roman, l’un des meilleurs de M. Loti. Ils revoient le pittoresque du pays basque : l’église et le jeu de pelote, la place où on danse le fandango, le jardin où chaque soir Gracieuse rêve sur le banc rustique, le couvent où elle s’est enfermée, autant de motifs tout prêts pour le peintre. Voilà pour le décor ; voici pour les personnages et pour le sujet. Le type du contrebandier est un de ceux que de tout temps et le plus fidèlement a célébrés le drame lyrique. Et pour plaire au public, il n’est pas besoin de chercher une autre histoire que celle de l’amour partagé et contrarié, pourvu qu’on sache la conter. L’idylle de deux jeunes gens au milieu des spectacles de la nature, la douleur de la séparation, et cette ombre de la mort qui plane sur l’image de l’amour, quoi de plus poétique ? En vérité, l’opéra guettait Ramuntcho. Respectueux d’un texte que le succès et tant de larmes ont consacré, M. Loti s’est borné à y découper un certain nombre de tableaux qu’il nous semblait à chaque fois reconnaître et que nous avons salués comme des amis. Nous y prenions une joie très douce. Et tandis que nous écoutions, avec un plaisir que notre incompétence ne nous permet