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Ce résultat décida le gouvernement local à prélever sur son budget la somme nécessaire pour remonter à méhari une compagnie du 2e sénégalais. Sous le commandement du capitaine Cauvin, cette troupe rendit des services signalés. C’est elle qui, dans des circonstances extrêmement difficiles, opéra la deuxième jonction avec la compagnie du Tidikelt.

Au début de 1906, le capitaine Cauvin faisait pâturer ses animaux au Nord de Tombouctou, dans une région herbeuse de l’Azaouad, quand l’ordre lui parvint de se porter en toute hâte sur Taoudéni à la rencontre du colonel Laperrine. Cette reconnaissance improvisée, exécutée à la mauvaise saison, avec un personnel inexpérimenté et sans les ressources qu’exige une semblable entreprise, atteignit cependant le but qui lui était assigné. Du 22 avril au 9 mai, 45 tirailleurs montés franchirent en ligne droite les 500 kilomètres qui les séparaient de Taoudéni, frayant leur route au milieu d’une plaine de sables arides ou de mamelons désolés. La pénurie des vivres força la petite colonne, après une vaine attente, à reprendre le chemin du Soudan par deux voies différentes. Le capitaine Cauvin, qui eut l’honneur de planter le drapeau français sur les murs de cette place, réduite aux proportions d’une simple bourgade mais importante encore comme point de rencontre, se heurta sur la route du retour à de nouvelles difficultés, dont d’autres moins expérimentés que lui ne seraient pas sortis. On sait, d’autre part, quelles souffrances dut supporter la section dirigée par le lieutenant Cortier, mais aussi quelle joie lui fut réservée le 20 mars au matin, près du puits de Gattara, quand il vit venir à lui le lieutenant Niéger et deux Chambas d’escorte, précédant les troupes du colonel Laperrine.

« Grand est alors l’enthousiasme, écrit le lieutenant Cortier, parmi les Européens comme parmi les Noirs eux-mêmes ; la déception des jours passés le rend plus sensible et plus prenant. Notre mission se complète ; son succès aura été total. Chacun est désormais tout à la joie de cette jonction entre camarades venus de si loin, au plaisir de la réunion que nous voulons aussi cordiale que possible et aussi affectueuse, en ce plein centre du désert, en ce Gattara jamais vu[1]. »

Ils étaient faits pour se comprendre, ces deux lieutenans

  1. La Géographie, XIV, n° 6, 15 déc. 1906, p. 334.