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lieutenant Niéger, nommé récemment capitaine et appelé au commandement de la compagnie du Tidikelt en remplacement du capitaine Dinaux, s’est chargé de la carte avec autant de conscience que d’habileté.

Les résultats politiques obtenus par le colonel Laperrine ne sont pas moins concluans. Dès 1904, il obtenait la soumission des Kel Ahnet. Actuellement, les Kel Ahaggars ont déposé les armes, les rezzous de l’Ouest ne s’aventurent plus sur la ligne des oasis du Touat. Seuls quelques groupes dissidens du Sud et les Touaregs Azdjers, quoique devenus circonspects, gardent encore une attitude hostile.

« La mainmise sur les nomades du désert, nous écrit le lieutenant Cortier, membre de la mission d’études militaires envoyée dans les Oasis sahariennes par le gouverneur général de l’Afrique occidentale française[1], s’est opérée par ces trois étapes successives : peur, apprivoisement, pacification.

« La peur est le premier stade indispensable à toute action chez les Touaregs. Ceux-ci savent fort bien que nous venons dans leur pays avec des intentions et des intérêts contraires aux leurs. Ils vivent de pillage, et nous venons établir l’ordre ; ils aiment l’anarchie et les guerres, et nous imposons la pacification. Il est inutile de chercher à les soumettre par la persuasion ou l’attrait d’avantages qu’ils ne comprennent pas. Il faut prouver que nous sommes les plus forts. Jusqu’au combat de Tit, dans lequel le lieutenant Cottenest les convainquit de notre supériorité écrasante (1902), les Kel Ahaggars ne cessèrent de nous harceler. A partir de ce moment, ils offrirent leur soumission.

« Vient alors l’apprivoisement. Vaincus, ils s’attendaient à mille maux ; ils ne récoltèrent que des bienfaits. Peu à peu, ils fréquentèrent les campemens et, dès lors, devint possible cette œuvre qui fait si grand honneur au colonel Laperrine : l’éducation morale des Touaregs, troisième étape d’un dressage qui comporte beaucoup de patience et de bonne humeur avec beaucoup de ténacité. »

Ajoutons que nos méharistes, vivant comme les nomades, s’initient plus facilement à leurs propres affaires et discernent mieux leurs besoins. Est-ce à dire qu’un revirement est à tout jamais écarté ? Avec des fanatiques, tout est possible, mais on

  1. Note manuscrite de novembre 1907.