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Touat avec un laissez-passer du grand chérif d’Ouezzan ; et, cependant, il n’hésita pas à déclarer que tout le système de la Saoura et, par suite, les Oasis sahariennes devaient rentrer dans la sphère d’influence de la France. Généraux et gouverneurs, qui se succédèrent en Algérie, partagèrent cette manière de voir. Malheureusement, un soulèvement imprévu, la crainte de complications extérieures, peut-être aussi une erreur de tactique retardèrent cette solution jusqu’aux derniers jours du XIXe siècle.

Notre action sur la Saoura fut, en effet, brusquement interrompue par l’insurrection des Ouled-Sidi-Cheikh. Celle-ci s’éternisa d’autant plus qu’on ménageait davantage les tribus marocaines, dont les incursions jetaient le désarroi dans le Sud-oranais. Figuig, point de concentration de ces bandes, bénéficiait d’une impunité désastreuse pour notre prestige. Le colonel de Colomb en 1865, le général Deligny en 1867, le colonel Colonieu en 1868, le général de Wimpfen en 1870, durent, par ordre de Paris, s’en interdire l’accès, et dix ans plus tard, les mêmes scrupules s’opposaient à la marche en avant du général Delebecque. L’exploration subit, dans l’Ouest de nos possessions algériennes, le contre-coup d’une politique hésitante.

Au moment où les palmeraies de l’oued Rir renaissaient grâce au forage de puits artésiens, où de gros problèmes, tels que la création d’une mer intérieure saharienne et l’étude de tracés d’une voie ferrée transsaharienne sollicitaient la curiosité de nos savans et l’ardeur de nos pionniers, pas un de nos compatriotes, parti de l’Oranie, ne parut sur le chemin du Touat.

Qu’on se remémore toutes les explorations que nous entreprîmes dans le Sud-Ouest algérien. Une seule s’est-elle engagée sur la grande route de la Saoura ? Soleillet, en 1874, Largeau en 1877, dix ans plus tard Foureau, le disciple et l’émule de Duveyrier, essayèrent en vain d’atteindre In Salah par l’Est. Palat fit de même, en 1885, pour aboutir au Gourara, et fut assassiné l’année suivante, sur le chemin du Tidikelt. Camille Douls, il est vrai, longea en 1888 la fameuse vallée ; mais il arrivait de Fez et du Tafilalet, muni de lettres du Sultan ; il passait pour musulman et voyageait sous le déguisement d’un pèlerin de la Mecque. Son subterfuge, qui lui réussit jusqu’au Touat, lui coûta la vie aux environs d’in Salah[1].

  1. L’Exploration du Sahara, par P. Vuillot. Paris, Challamel, 1895.