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la merci des coupeurs de route et des pillards marocains tant que nous ne prîmes pas le parti d’exercer une action dans la région de l’oued Zousfana et de l’oued Guir, branches mères de la Saoura.


Personne n’ignore que, vingt ans après la prise d’Alger, nos troupes avaient dépassé l’Atlas et se montraient sur les confins du Sahara. L’occupation de Laghouat et du Mzab, l’exemple de Barth, l’impulsion communiquée par le maréchal Randon, digne continuateur de Bugeaud, accélérèrent alors notre mouvement d’expansion.

Peu s’en fallut qu’en 1860 notre influence ne s’étendit au Oasis sahariennes. Le colonel de Colomb avait frayé la voie vers le Gourara ; le commandant Colonieu et le lieutenant Burin la suivirent.

Soutenus par une force suffisante pour contenir les populations sédentaires des ksours, ils eussent atteint sans peine In Salah et gagné le Soudan ; mais le ministère des Colonies, de création récente, se berçait d’illusions.

« Il s’agissait de savoir, écrit le commandant Colonieu, quel accueil serait fait à des ouvertures commerciales sérieuses du négoce français dans les oasis du Touat, d’aller voir sur place si réellement les relations avec les oasis étaient possibles et quel résultat on pourrait en espérer pour l’arrivée sur nos marchés des produits de l’Afrique centrale. »

Un goum de 100 cavaliers servit, il est vrai, d’escorte ; mais cette escorte, sans appareil militaire, était simplement « une agglomération d’une partie des cavaliers qui, tous les ans, vont avec les caravanes[1]. » Fidèles à leurs instructions, nos « délégués » annoncèrent leurs intentions pacifiques et ne reçurent en échange de leurs offres les plus séduisantes qu’un refus catégorique et des propos menaçans. Pour avoir voulu raisonner à l’européenne avec des fanatiques, le gouvernement d’alors rendit inévitable la retraite. Colonieu et Burin rentrèrent à Géryville, et cet échec fut d’autant plus fâcheux qu’il eut pour conséquence de resserrer les liens de ces fervens de l’Islam avec l’empire chérifien.

Rohlfs put le constater en 1864, quand il se rendit de Fez au

  1. Bulletin de la Société de géographie, VIIe série, tome XIII, p. 43 et 47.