Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 44.djvu/418

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
LA CITÉ BLONDE


Le vieux tilleul de mon verger loge un essaim,
Et, sachant leur labeur utile autant que sain,
Les abeilles, que lie une entente sereine,
Heureuses d’obéir à la commune reine
Et d’emplir pour l’hiver les cellules de miel,
Dispersent leur essor aux quatre vents du ciel.
Toutes les tâches sont déjà distribuées
Lorsque la tiède aurore aspire les buées,
Et la rumeur qui croît avec les clairs matins
Trouve la ruche prête aux voyages lointains.
Or, jusqu’à ce que l’Astre à l’horizon décline,
Les insectes, selon l’exacte discipline,
Rapporteront au cœur de l’arbre harmonieux
Les pollens et les sucs recueillis en tous lieux,
Et, sans pitié chassant leurs frères parasites,
Butineront, après d’innombrables visites,
Les plus vierges trésors des plus suaves fleurs
O Nature, à l’écart des hommes querelleurs,
Par ces mois embaumés qu’enveloppe et satine
Et caresse la tendre atmosphère latine ;
Quand vibre le soleil en chatoîmens soyeux,
Que de fois, une molle extase au fond des yeux,
Tandis que bourdonnait l’active colonie,
J’ai contemplé l’azur en sa gloire internie !
A l’ombre du tilleul sonore, que de fois,
Etudiant les mœurs, m’initiant aux lois
De la tribu légère éparse en vols rapides,
J’ai dans un rêve ouï, plus finement limpides,
Plus musicalement ailés, plus doux encor,
Bercé par l’enivrant murmure, aux heures d’or
Où la lumière agile entre les feuilles joue,
Chanter en moi les vers du Cygne de Mantoue !


UNE VEUVE


Au ciel de plomb chargé d’effluves orageux,
Éperdu, quelque oiseau fend l’air à tire-d’ailes,
Tandis que la rafale acharnée autour d’elles
Mêle les feuilles d’or en de lugubres jeux.