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« nationaliste ? » C’est affaire aux publicistes à exposer clairement, exactement et sans rien outrer, ce qu’ils connaissent par des renseignemens certains. C’est affaire à notre gouvernement, qui vient de signer un avantageux traité de commerce franco-canadien[1]et qui favorise de tout son effort, depuis quelques années, les rapprochemens avec les deux grands pays de l’Amérique du Nord. Il s’est aperçu, par malheur un peu tard, que le reploiement sur nous-mêmes, qui a suivi 1870, nous a privés, au profit de nos rivaux d’Europe, d’une grande part dans la formation des Etats-Unis, qui prenaient à ce moment leur plus grand essor. Ne recommençons point avec le Canada : nous serions là deux fois impardonnables, et, si l’on veut des vues très précises, il paraît bien évident que la plus sûre manière de favoriser les communications avec le Dominion serait d’aider la Compagnie transatlantique française, qui promène si fièrement notre pavillon sur l’Océan, dans les efforts qu’elle a déjà tentés par deux fois pour établir une ligne directe française du Havre à Montréal. La seule ligne qui unisse directement les deux pays est, comme on sait, une ligne anglaise assez peu confortable, ce qui fait que les Canadiens, qui viennent si souvent en Europe, désirant prendre la Compagnie transatlantique française, s’assujettissent presque tous au passage par New-York et aux ennuis scandaleux de la douane des Etats-Unis. Une ligne directe entre la Seine et le Saint-Laurent serait donc assurée de nombreux passagers de cabine, elle drainerait en même temps toutes les marchandises françaises qui, chose étonnante, vont s’embarquer aujourd’hui à Liverpool et sont cataloguées dans les statistiques comme exportations anglaises au Canada, y compris les caisses de livres, dont notre ministère de l’Instruction publique a la générosité de doter les diverses bibliothèques canadiennes. Enfin, étant donné que les Compagnies maritimes ont avantage, nous l’avons vu, à mettre une couche d’émigrans entre les caisses de la cale et les cabines, la Transatlantique française, devenue notre collaboratrice au Canada, chercherait instinctivement à aider au recrutement des émigrans français. Ils apprécieraient eux-mêmes grandement (j’en appelle à tous ceux qui ont voyagé) de se sentir dix jours de plus sur un plancher français, et quand ils reviendraient au pays, de se savoir déjà en France dès

  1. Nous avons assisté à la préparation de ce traité, due en grande partie au vice-président de la Chambre de Commerce française de Montréal.