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et de leur tâche rude et laborieuse, mais en somme rémunératrice.

Il est de mode parmi les partisans de la Prairie de décrier la Forêt, avec sa lutte si lassante contre les souches séculaires. Mais la forêt, ce sont aussi tous les matériaux de construction, c’est le bois de chauffage dont on ne manquera jamais par les rudes hivers, c’est le commerce du bois en gros et la moderne industrie de la pulpe, qui font monter incessamment la valeur du lot du colon et peuvent lui fournir un supplément de travail dans sa morte-saison.

Si, outre la vente du blé et de l’avoine, l’on ajoute l’industrie laitière qui est remarquablement développée dans cette province, et la récolte du sucre d’érable ou celle des baies de myrtil qui, en quinze jours, chaque année, double presque le budget du colon, on s’assure que le cultivateur français ne peut trouver nulle part ailleurs de meilleur emploi à son initiative et à sa persévérance ; que l’on songe qu’une seule de ces trois régions, la plus rapprochée de la France, celle du lac Saint-Jean, compte plus de 8 millions d’hectares ouverts à la colonisation, et seulement 70 000 âmes.

Vraiment gâtée par la nature, la province de Québec, avec ses innombrables chutes et rapides, offre une quantité de pouvoirs hydrauliques, pour ainsi dire, illimités : l’on a évalué ceux de la seule région du lac Saint-Jean au chiffre de 650 000 chevaux-vapeur. En dehors même des entreprises que nous avons plus haut mentionnées brièvement, l’on peut donc juger, dans ce pays que l’on appelle déjà « le grenier de la province, » quel est l’avenir des capitaux qui seront intelligemment dirigés dans l’agriculture ou l’industrie. Et nous comptons pour rien ce qui compte cependant beaucoup pour nos compatriotes (nous nous en sommes bien aperçus par les emplacemens choisis par eux), l’admirable pittoresque de tout ce Nord de la province de Québec, les facilités abondantes de la pêche et de la chasse, qui en font le paradis d’été de tant d’Américains, la faculté, inconnue dans l’Ouest, de conserver légalement sa nationalité française. N’est-ce point là un précieux ensemble d’avantages, que nous ne faisons que résumer et qui serait de nature à tenter bien des Français, s’ils en étaient instruits ? et le moment n’est-il pas bon pour seconder dans notre pays cet effort d’émigration française que semble vouloir tenter à présent le gouvernement canadien sous la poussée