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n’avons point à décider : c’est l’éternelle lutte qui s’observe en tous pays et qui divise les tenans de la même cause, partagés entre l’intransigeance et la conciliation. Mais, dans le domaine des faits, nous pouvons constater que le gouvernement de sir Wilfrid Laurier, en dépit de toutes ses ressources d’habileté, n’a pas cru pouvoir soutenir ses coreligionnaires dans les deux graves conflits des Ecoles du Manitoba et des Ecoles du Nord-Ouest, dont le souvenir douloureux n’est point encore effacé de la pensée des Canadiens-Français de toute province.

Aux faits de cet ordre doivent sans doute, en dépit des apparences, s’en rattacher deux autres, qui longtemps ont moins frappé le public parce qu’il ne s’agissait pas ici d’une crise aiguë comme dans les deux précédens, mais d’une progressive infiltration. Il a fallu M. Henri Dourassa et ses amis pour sonner bruyamment la cloche d’alarme au sujet de ces deux points : l’abandon successif de la langue française comme langue officielle, — et l’orientation tout anglaise de la politique d’immigration.

Tous les voyageurs français l’ont remarqué, ce n’est pas une petite ni agréable surprise pour nous que de trouver la langue anglaise installée partout, pour ainsi dire, au Canada, dans les grands magasins de Montréal, dans les plus grands hôtels de Québec, voire dans un grand nombre de familles « françaises, » qui, peu à peu, entraînées par leurs relations avec la société anglaise, finissent dans l’usage à donner la préférence à l’idiome britannique. Cela, nous l’entendons bien, c’est affaire de défaillance dans les mœurs des particuliers, et Mgr Bruchesi, l’archevêque de Montréal, a beaucoup fait pour ses compatriotes de langue française en interdisant hardiment, au mois de novembre dernier, les mariages « mixtes » entre catholiques et protestans.

Si l’on se reporte à l’article 63 de la Constitution qui reconnaît les deux langues comme également officielles, on est plus surpris encore de constater quelle est, dans les documens officiels, la prédominance de l’anglais. Il faut voir quelle difficulté l’on a à se faire entendre en français dans les bureaux de poste ou de téléphone de Montréal, et les Compagnies de chemin de fer violent, la plupart du temps, le règlement qui les oblige à annoncer dans les deux langues les heures d’arrivée et de départ des trains, sous peine d’une amende de 25 francs par infraction : négligence évidente du gouvernement sur ce point. Mais il y a mieux. Au