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ensuite leurs parens, qui ont pris leur temps pour réaliser leur bien du continent. Cette transplantation progressive et rationnelle de familles qui, au lieu de partir précipitamment, prennent le temps de correspondre ensemble et de s’établir à coup sûr, produit, paraît-il, un grand effet sur leurs voisins.

L’auteur du Rapport ajoute qu’il sollicite partout les correspondances des émigrans : « Un certain nombre de ces lettres ont été imprimées dans le dernier hiver en une publication de propagande qui donnait aussi les noms des nombreux Belges établis au Manitoba et dans le Nord-Ouest, dont on pouvait obtenir des renseignemens. Cette petite brochure fut très demandée comme établissant des faits qui pouvaient facilement être vérifiés. » On n’a certes pas fait tout ce qui était possible afin d’encourager l’émigration belge, qui est en si bonne marche. Nul ne peut pourtant reprocher au ministère de la province de Québec d’être demeure indifférent à la Belgique ; malheureusement, de regrettables incidens politiques, qui sont venus jusqu’à la Cour d’assises, ont jeté une teinte fâcheuse sur la colonisation belge, du moins sur celle qui est organisée par syndicats financiers. Mais la portée de ces événemens s’atténuera de jour en jour en ce qui regarde la Belgique, car le courant d’émigration belge est souverainement désirable pour les deux pays, heureuse exosmose entre cette petite contrée obligée de nourrir 226 habitans par kilomètre carré (plus de trois fois la densité de la France) et le Canada qui ne compte même pas un habitant dans le même espace.


L’étude des documens officiels nous convainc donc que la politique canadienne d’immigration est, consciemment ou non, franchement et presque sans réserve, intensive, anglophile et, ce qui en est la fatale conséquence, occidentale. L’inquiétude des Canadiens-Français, du moins de tous ceux qui n’ont point de liens gouvernementaux, semble en conséquence parfaitement justifiée, et, sur ce point, le mouvement « nationaliste, » s’il n’est point encore très carrément populaire en ce pays de tradition, qui évolue lentement, — répond plus ou moins sourdement au secret instinct de la majorité des Canadiens-Français indépendans : plus ou moins confusément ils sentent que leur argent (et ils savent bien qu’ils sont pour un tiers dans le budget de l’Etat) est mal employé dans ce grand et capital service de