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« prendre des moyens efficaces pour restreindre l’émigration au Canada[1]. »

L’Est du pays, le Canada français n’avait pas attendu pour dessiner, plus pacifiquement, un mouvement analogue. Il y a déjà deux ans, du sein même du parti « libéral » qui occupe le pouvoir depuis douze ans, du milieu de la majorité parlementaire, se détacha un député fédéral canadien-français, jeune, de belle mine, travailleur, d’une instruction solide, d’idées très élevées, de parole vibrante, d’un désintéressement au-dessus de tout soupçon : Henri Bourassa. Petit-fils du chef des patriotes de 1837, l’illustre Papineau, il rompit bruyamment avec l’opportunisme de ses amis politiques de la veille, pour se jeter dans une bouillante campagne contre ce qu’il regardait comme les abus de son propre parti.

Commençant, chose curieuse, par la province très anglaise d’Ontario, où il fit applaudir son patriotisme, sa ténacité, sa hardiesse, il parcourut ensuite tout le Bas-Canada, allant de cité en cité et de petite ville en petite ville porter partout la parole nouvelle, qui semble avoir été partout accueillie, sauf à Saint-Roch de Québec, avec une très bienveillante attention[2]. La croisade parut exciter l’enthousiasme, moins encore du peuple proprement dit (si l’on peut commettre cette hérésie de distinguer des classes sociales sur le sol de l’Amérique) que de la bourgeoisie qui réfléchit, surtout dans la jeunesse indépendante, et nous avons assisté, le 25 avril dernier, à une vraie ovation faite à Henri Bourassa par 2 000 jeunes gens de Montréal, dans un milieu universitaire de Canadiens-Français, où il donnait une conférence sur « l’Immigration au Canada. »

Le jeune apôtre politique est soutenu dans sa lutte, pour ne pas dire précédé dans sa marche, par un journaliste de son âge, de son talent et de son désintéressement, mais plus audacieux encore, plus bilieux, et plus mordant, Olivar Asselin. Celui-ci rédige à Montréal, avec quelques amis, une simple feuille hebdomadaire de 4 pages, dont l’apparition fait, chaque semaine, une manière de petit événement. Tous les yeux, chaque dimanche matin, se tournent, avec malice ou inquiétude, vers le numéro du Nationaliste, comme toutes les oreilles se tendirent pendant

  1. La Vérité, de Québec, 25 janvier 1908.
  2. A Québec, M. Bourassa et ses amis ont été assaillis par des injures et des cailloux, attentat qui fut, le lendemain, réprouvé par tous les partis.