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Cortone et instruit pendant l’hiver les novices de la maison de Celli. Aux approches du carême, il conçut le projet de se recueillir dans la solitude et de se préparer, par le jeûne et par la méditation, à commémorer la Passion du Sauveur. Il partit le mercredi des Cendres, avec deux pains pour unique provision et se dirigea vers le Trasimono. Ayant avisé un pêcheur de sa connaissance, il se fit conduire à l’isola Maggiore encore inhabitée. Tous deux abordèrent sur la grève et le batelier revint à terre après avoir promis de ne pas souffler mot de l’aventure.

Cependant le pèlerin s’était agenouillé sur le rocher et se perdait dans une oraison profonde. Les bonnes gens montrent encore, gravée sur la pierre, l’empreinte de ses pieds et de ses genoux. Des ronces couvraient les bords escarpés de l’île. Le poverello construisit tant bien que mal une cabane pour se garantir des intempéries ; puis, enveloppé de silence et de solitude, il s’abîma dans la contemplation mystique de l’au-delà. Pendant les quarante jours de sa retraite, il n’éleva pas la voix, et si rigoureux fut son jeûne qu’il mangea seulement la moitié d’un pain. Le mercredi des Cendres, il quitta l’île et regagna Celli.

Le pêcheur qui avait transporté François tint d’abord sa promesse. L’action singulière dont il avait été le témoin unique finit toutefois par lui délier la langue ; il raconta ce qu’il avait vu. Le lieu où le saint s’était retiré se transforma rapidement en un but de pèlerinage. Des miracles s’y opérèrent. Afin de perpétuer le souvenir de cet événement, la ville de Pérou se fit édifier à ses frais, sur un des points culminans de l’île, une église et un couvent qu’elle confia aux Mineurs observantins. Le monastère, visité tour à tour par saint Bernardin et par le pape Pie II, Piccolomini, resta la propriété des moines franciscains jusqu’à la loi de sécularisation de 1866.

Il était abandonné depuis vingt ans et les bâtimens tombaient en ruines, lorsque le marquis Guglielmi s’en rendit acquéreur en 1884. C’était une bénédiction qui tombait sur les pauvres habitans de l’île. Des travaux de transformation commencèrent aussitôt. Quelques années plus tard, on voyait de loin se dresser sur la falaise un vaste château orné de terrasses, muni de tourelles et de créneaux. Tout ce qui offrait un intérêt historique ou artistique a été conservé. La chapelle des moines et les cloîtres ont subi d’heureuses restaurations. Pendant les