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classés comme ultramontains : c’est eux que visait, un jour, un professeur de Tubingue, en attaquant dans un’ article les « fermiers généraux de l’orthodoxie, » les « sicaires de la théologie, » la « meute qui calomnie ; » l’évêque Lipp, à la suite de cette attaque, disgracia Hoefer, qui devint à son tour curé. On triomphait à Tubingue : l’appui de l’évêque était éclatant, et ceux qu’on nommait les « dénonciateurs ultramontains » n’avaient aucun succès auprès de lui. Mais on apprit, en août 1868, qu’ils avaient du succès contre lui : le cardinal Antonelli négociait pour donner un coadjuteur à l’évêque, réputé trop faible.

C’était Mast, le directeur du séminaire, qui avait signalé à la nonciature de Munich le mauvais esprit et la mauvaise tenue du convict de Tubingue ; et l’évêque était rendu responsable. Le procédé choqua Lipp, d’autant que Mast avait mis quelque temps, à confesser qu’il était l’informateur : Mast à son tour fut expédié dans un lointain presbytère. Mais l’administration du convict de Tubingue, telle que Mast l’avait décrite, et bien que les professeurs se fussent tous levés pour la défendre, inquiétait le Saint-Siège : Pie IX gronda fortement l’évêque ; il exigea que le directeur Ruckgaber fût éloigné de Tubingue, et celui-ci aussi fut mis en paroisse. La presse de toute l’Allemagne s’occupait de cette affaire : de la Vistule au Rhin, de la Baltique au Danube, scolastiques et antiscolastiques, romanistes et germanistes, prenaient parti pour Mast ou pour Ruckgaber : ces personnalités secondaires devenaient presque des symboles ; on apprit, un jour de mai 1869, que le pauvre évêque Lipp était mort de chagrin, pour avoir trop aimé Ruckgaber et n’avoir pas assez redouté les rapports de Mast ; et peu s’en fallait que des gens qui n’avaient pas l’habitude de pleurer les évêques ne pleurassent celui qu’ils appelaient captieusement une victime de Rome.


Il était temps, grandement temps, que le concile survînt, que son autorité souveraine pacifiât les intelligences et les consciences, par certaines déclarations dogmatiques tout à la fois impérieuses et mesurées, et qu’au souffle de l’Esprit l’atmosphère allemande fût purifiée.

Il était temps que ces déclarations, parce qu’impérieuses, éclairassent les adversaires de l’« ultramontanisme » sur les conditions auxquelles ils pouvaient rester catholiques.

Il était temps de définir avec exactitude les conditions et la