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préparatoires du concile, se fût privé du concours d’un aussi docte historien ; mais du jour où son disciple Reusch eut publié les feuillets où cet historien, dès 1865, faisait figure de pamphlétaire, on fut moins surpris de l’attitude de Rome. Une fois de plus, un grand homme qui s’était jugé trop indispensable devenait quelque chose de moins qu’un « serviteur inutile. »

Le même ministre Koch, qui avait empêché Weis d’ouvrir un séminaire, fut convaincu, en 1866, d’avoir, à propos de l’université de Wurzbourg, adressé au roi un rapport sur le péril ultramontain : une indiscrétion fit tomber le papier entre les mains du prêtre Maier, secrétaire de l’évêque de Ratisbonne, qui s’empressa de le publier, avec des gloses véhémentes, dans une brochure intitulée : Pour l’édification des rois. On soupçonnait, Doellinger d’avoir « documenté » Koch ; Maier le prenait à partie avec la dernière violence. « Romanisme » et scolastique affectaient, sous cette plume acerbe, l’allure d’opinions extrêmes, volontairement froissantes et cassantes. Doellinger riposta : il releva le procédé grâce auquel le rapport de Koch était sorti des cartons, et dénonça les hommes pour qui la fin justifie les moyens. L’illustre historien de l’Eglise, qui visait ici les Jésuites, eût rendu service à l’histoire, s’il avait indiqué les livres de casuistique où s’étalait cette maxime ; avait-il oublié que treize ans plus tôt, le Père Roh avait promis une forte somme à quiconque la découvrirait, que les chercheurs avaient perdu leur temps, et que l’original missionnaire avait gardé son argent ?

Doellinger, ensuite, faisait le procès de la Civiltà cattolica, la revue des Jésuites romains : il retraçait la conquête de l’Allemagne par l’ « ultramontanisme ; » et ce n’était plus seulement aux grands séminaires, mais aux petits séminaires, qu’il s’en prenait. « Un clergé élevé d’après les doctrines de la Civiltà, déclarait-il, doit être sans intelligence vis-à-vis de toute notre époque, et n’est propre qu’à susciter entre l’Eglise et l’Etat d’incurables conflits. » Et Doellinger, interpellant l’opinion bavaroise, demandait carrément : « Comment cet esclavage spirituel se concilie-t-il avec le christianisme et avec notre concept contemporain d’humanité ? L’État, oui ou non, a-t-il intérêt. à ce qu’on ne fasse pas violence à ses membres ? Ceux-ci, oui ou non, ont-ils quelque droit à l’aide de l’Etat ? » Doellinger ouvrait une porte par laquelle pouvaient passer de singulières ingérences, et pour