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soutenus par le pouvoir civil. Lorsqu’on voit les facultés allemandes de théologie survivre à de tels incidens, assez fréquens au cours de leur histoire ; lorsqu’on les voit survivre aux manifestes malencontreux de certains amis maladroits, on acquiert la conviction qu’elles répondent parfaitement aux besoins religieux et nationaux d’outre-Rhin, et que, dans l’édifice de l’Allemagne catholique, elles sont une pièce indestructible.

Ce fut en Bavière que les débats s’échauffèrent. Weis, évoque de Spire, ami de l’école de Mayence, voulut, en 1862, ouvrir un grand séminaire : il réclama du cabinet de Munich une permission et un appui. Au bout de deux ans, le ministre Koch refusa. Weis passa outre, introduisit dans le séminaire une demi-douzaine de clercs : la police survint et ferma l’immeuble. Weis protesta ; dans le clergé, des adresses circulèrent ; l’épiscopat se plaignit au Roi ; le nonce, les ambassadeurs d’Autriche et de France, multiplièrent les démarches ; le Pape échangea des notes avec la Bavière. On se souvenait des anciennes luttes, qui avaient émancipé l’Eglise : derechef un État surgissait, qui gênait la hiérarchie dans l’exercice d’une de ses fonctions les plus légitimes : l’éducation des clercs. Quel beau discours eût fait Doellinger, vingt ans auparavant !

Mais des bruits circulaient, d’après lesquels Doellinger aurait inspiré le refus du ministre Koch ; et à l’heure même où il les démentait, il griffonnait un article enfiévré contre le projet de l’évêque Weis. Si ce projet réussissait, expliquait-il, on finirait par avoir en Allemagne cinq cents professeurs de séminaires, qui seraient des nullités. A l’égal de la science, l’État moderne était menacé. « Voici ce qu’on veut à Rome, écrivait Doellinger : on veut que tout le clergé, dès la jeunesse, soit élevé dans une hostilité fondamentale, dans une hostilité de principe, contre toutes les constitutions. » Il brandissait le Syllabus : « L’ultramontanisme n’est plus une fiction, s’écriait-il, l’ultramontanisme n’est plus un spectre ; il est une puissance réelle et agressive. » C’est après la mort de Doellinger que cette philippique fut trouvée dans ses papiers : la presse libérale, à laquelle il l’avait offerte, avait jugé plus sage de ne pas l’insérer. Doellinger ne se maîtrisait plus ; il faisait le geste d’intervenir dans un débat où tout l’épiscopat se déclarait intéressé ; et il y intervenait avec des accens qui sont déjà ceux du Culturkampf. Avant de connaître ce manuscrit, on était tout près de regretter que le Saint-Siège, pour les travaux