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IX

Revenons en arrière, où noire tâche nous rappelle, et restons-y. Les polémiques que nous venons de noter risquaient de s’aggraver encore, en se répercutant jusque dans l’économie même de l’éducation sacerdotale. C’est l’originalité du catholicisme allemand, que les clercs d’un certain nombre de diocèses font leurs études dans des facultés de théologie, dont les professeurs, prêtres eux-mêmes, reçoivent de l’évêque une mission canonique et sont nommés par l’État. D’autres diocèses possèdent des grands séminaires, pareils aux nôtres. Aux heures calmes, ces institutions vivent en bon voisinage ; aux minutes de tourmente, un duel s’engage entre adversaires et partisans des facultés de théologie.

Les adversaires insistent sur la délicatesse de la formation cléricale et sur la nécessité pour l’évêque de surveiller très soucieusement, dans l’enclos d’un séminaire, l’intelligence et la conscience de ses futurs coopérateurs, leur doctrine et leur vocation ; quant aux partisans des facultés, ils remontrent que le prêtre doit agir sur le monde et pour cela connaître son époque ; que dès lors, il est bon pour lui de prendre contact, à l’université, avec des étudians en droit, en médecine, en philosophie, et de se familiariser ainsi avec les préoccupations actuelles ; qu’il est utile aux théologiens d’enseigner leur science sous le regard des autres sciences et d’être ainsi poussés à rajeunir et à parfaire leur enseignement ; et qu’il est en définitive heureux et glorieux pour l’Eglise que la science des choses divines, représentée par des prêtres, soit admise, bannières déployées, dans le grand organisme universitaire. On pressent tout de suite que, derrière le choc des plaidoyers, se dissimule un antagonisme de tendances ; gardons-nous pourtant de l’exagérer. C’est seulement lorsque la discussion s’enfielle que les champions des séminaires sont accusés de faire bon marché de la science, et les champions des facultés, de faire bon marché de la foi ; et pour écarter ces argumens passionnés, il suffit d’observer que, tout proche de nous, Mgr Heiner, de Fribourg, qui vers 1900 écrivit en faveur des universités plusieurs brochures chaleureuses et solides, a depuis lors consacré sa plume à la défense des Jésuites et au commentaire du décret Lamentabili. A l’époque même qui nous occupe,