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qu’il soit survenu, écrivait à Doellinger, en novembre 1864, le jeune historien Janssen ; et vous demeurez le primus doctor Germaniæ. » Mermillod, de son côté, racontait certains propos de Pie IX, flatteurs pour l’illustre savant. Mais il semble que Doellinger méprisât désormais tout ce qui venait d’Italie, même les hommages. Il accusait le Vatican de transformer en un cimetière le champ de la littérature catholique allemande, et sans qu’il pensât à s’interroger lui-même sur ses responsabilités à l’endroit de Rome, il imputait les susceptibilités romaines à quatre causes : l’esprit de particularisme italien, les progrès de l’influence française sur les bords du Tibre, l’infiltration dans les diocèses allemands des clercs élevés par les Jésuites, enfin la multiplication des Jésuites eux-mêmes. Dans ses discours de 1864 sur Maximilien II et de 1866 sur les Universités, il affectait de reprendre ses thèses de Munich, glorifiant le sacerdoce scientifique de la Germanie, et bafouant l’ignorance italienne, qui faisait de la théologie « une femme névrosée, craintive des courans d’air et des alimens substantiels. »

Ce compliment visait Mayence, Wurzbourg et Rome. On allait répétant que Rome n’était plus l’Eglise, mais un parti. Église ou parti ? tel était le titre d’une brochure impertinente de Michelis. Et la riposte d’Hergenroether s’intitulait : Église, non parti. Moufang, aussi, y allait de sa réplique.

Des armes nouvelles se forgeaient. Dans le camp où, selon l’expression de Doellinger, on se battait avec des armes à feu, le jeune professeur Reusch fondait à Bonn, en 1865, la Feuille de littérature théologique. Elle recrutait des collaborations très variées. La signature de Reusch, qui devait mourir hors de l’Église, y voisinait avec celle de Simar, dont Léon XIII fit plus tard un archevêque de Cologne. La collection de cette Feuille entre 1866 et 1870 demeure un document unique sur un moment de la pensée religieuse allemande : presque tous les écrivains étaient animés d’un égal désir de soutenir la confession catholique et de convaincre d’intempérance ou d’exagération les partisans de la scolastique et les publicistes qui souhaitaient accroître les pouvoirs du Saint-Siège. Les Feuilles de Cologne, quotidiennement publiées par Joseph Bachem, étaient ouvertes à Reusch, et Ketteler reprochait amicalement à Bachem de trop représenter la tendance de Doellinger ; mais l’intelligent publiciste, homme de tact et de foi, sut donner congé à Reusch, lorsque ce congé s’imposa.