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plus cuisante. Doellinger offrait l’hospitalité de l’Allemagne au pontife dont le trône chancelait, et il lui remontrait combien cette hospitalité contribuerait à parfaire l’éducation de la curie romaine. Il y avait, dans ses explications, plus de lourdeur que d’ironie, et pas la moindre volonté d’irrespect ; mais le symptôme, peut-être, n’en était que plus grave, en attestant le peu de considération que le germanisme avait pour le romanisme.

Doellinger offrait l’Allemagne à la cour de Rome, non seulement comme un asile, mais comme une école.


VII

Entre l’autorité romaine et l’aristocratie d’intelligences qui parlait au nom de la science germanique, les défiances s’aggravaient. Mais en Allemagne même se groupaient au tour de Rome des théologiens et canonistes de valeur, dont Mayence et Wurzbourg étaient les deux centres. La revue Le Catholique, de Mayence, suivait avec vigilance, sur le terrain de la philosophie, de l’histoire, de la politique, toutes les manifestations qui lui semblaient mettre en péril les droits du Saint-Siège ; elle traquait les formules indécises qui pouvaient abriter dans leurs vagues contours un parti pris d’habile indocilité ; elle ne tolérait aucune désinvolture à l’endroit de la scolastique ou des congrégations romaines. L’évêque Ketteler, le chanoine Moufang, le doyen Heinrich, plus préoccupés d’action sociale que de science pure, craignaient que les divisions intellectuelles entre catholiques ne nuisissent à leur influence profonde sur les masses ; et plus soucieux du peuple allemand que de la pensée allemande, ils voulaient que l’Eglise d’Allemagne, docile aux systèmes traditionnels et aux disciplines romaines, témoignât moins de coquetterie pour les besoins intellectuels d’un petit nombre et plus de charité pour les besoins économiques de la foule.

Un cercle plus scientifique que Mayence était l’université de Wurzbourg : l’apologiste Hettinger, l’historien Hergenroether, y faisaient régner les idées romaines. On ne pouvait contester leur valeur de savans : l’érudition du jeune Hergenroether avait jadis étonné l’université de Munich, et l’ouvrage sur Photius, auquel il travaillait, devait être salué par Doellinger lui-même comme un maître livre ; mais Hettinger et Hergenroether avaient passé leur jeunesse à Rome, au collège Germanique, sous la