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face à face avec un beau rêve. Le rapprochement des Eglises obsédait sa pensée : il s’y intéressait comme catholique et plus encore, peut-être, comme Allemand. Il constatait que la doctrine luthérienne sur la justification était désertée par les notabilités de la Réforme : n’y avait-il pas lieu d’espérer qu’entre Rome et le protestantisme le fossé se rétrécissait ? Doellinger voulait que les catholiques s’en rendissent compte. L’ère de la polémique lui semblait close : ils devaient à l’avenir, suivant un mot du cardinal Diepenbrock, « supporter la scission religieuse en esprit de pénitence pour les fautes communes, » et puis, afin d’y mettre un terme, ils devaient « cesser de traiter comme capitales les choses secondaires, » et « accepter une sérieuse correction de tout ce qui paraîtrait nuisible. » Contre un tel programme, en principe, il n’y aurait eu pour l’orthodoxie aucune raison de s’insurger ; mais les deux conférences données à l’Odéon de Munich, en avril 1861, sur la question romaine, rendirent aussitôt suspect le plan d’ensemble que poursuivait Doellinger.

La presse hostile à l’Église répétait que la chute du pouvoir temporel, qui semblait prochaine, serait la fin de la papauté ; elle citait en témoignage les apologistes mêmes de ce pouvoir : ne démontraient-ils pas que le Saint-Siège en avait absolument besoin, et qu’on ne pouvait concevoir un pape qui ne fût pas roi ? Ainsi donc, concluaient les protestans, l’Eglise Romaine partagera le sort des États Romains ; et c’est à quoi Doellinger voulait riposter. Mais ses argumens mêmes, qui visaient les illusions protestantes, atteignaient indirectement certains avocats du pouvoir temporel ; et Doellinger achevait de déplaire en réclamant solennellement du pape-roi certaines réformes administratives et politiques. Walter, le canoniste de Bonn, prit l’initiative d’un mouvement de protestation contre les discours de Doellinger. L’orateur de l’Odéon fut comparé à Cham dévoilant les faiblesses de Noé, à Judas trahissant le Christ. Et l’on demandait, au-delà des Alpes, de quoi se mêlait cet Allemand.

Cet Allemand, croyons-nous, avait encore, à ce moment-là, — et ce fut peut-être le dernier, — des intentions apostoliques : il voulait habituer ses compatriotes protestans à n’envisager que la primauté religieuse du Pape et à comprendre ce qui était l’essentiel dans l’institution divine de la papauté. Son livre : Église et Églises, qui parut à la fin de 1861, opposait précisément au tableau de la situation des Eglises séparées une certaine