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moi ? demandait-il en 1857. Trouveriez-vous que je commence à trop m’enthousiasmer pour Rome ? Longtemps j’étais resté sans l’observer au point de vue scientifique, ecclésiastique, moral : cela ne m’intéressait pas, et puis l’occasion manquait. En prolongeant mon séjour, je fus contraint à maintes constatations. Mon enthousiasme pour le catholicisme est même devenu plus grand ; et j’ai acquis pour le Pape, dans sa proximité, un respect comme jamais je ne l’avais éprouvé autrefois. »

La conversion était accomplie : il avait fallu cinq ans pour que ce Germain, sans cesser d’être Allemand et de faire à Rome œuvre allemande, devînt Romain. Peut-être certains compatriotes de Flir ne se fussent-ils jamais brouillés avec la papauté, s’ils avaient, comme lui, trouvé le temps de prendre contact avec elle, et si, comme lui, ils en avaient acquis le goût.

Doellinger, au cours de 1857, avait passé quelques semaines à Rome : il était sorti mécontent de l’audience papale, où Pie IX, peu communicatif ce jour-là, avait surtout insisté sur l’inopportunité des Églises nationales ; on l’avait médiocrement charmé en le gratifiant d’une prélature, et en faisant ainsi de lui, dans la famille pontificale, le collègue de prêtres qu’il savait scolastiques et jugeait dès lors ignorans ; et les meilleures heures de son bref séjour s’étaient écoulées dans les bibliothèques et les archives. Mais il jugeait avoir assez vu, et assez retenu, pour se permettre, un peu plus tard, ces appréciations tranchantes, où se résume assez exactement, beaucoup mieux que dans les lettres de Flir, ce que, dix ans avant le concile, les futurs « vieux catholiques » pensaient du monde romain :


En Italie, notait-il, l’antipathie contre tout ce qui est spécialement allemand flotte pour ainsi dire dans l’air. Ce qu’il y a d’original, chez l’Allemand, dans ses façons de sentir, de penser, d’envisager, est étranger et incompréhensible au Romain. Et si l’Allemand parle d’une théologie allemande, s’il donne à comprendre qu’il considère cette théologie comme plus approfondie et plus efficace que ce que l’on donne sous le même nom dans les séminaires italiens, alors on n’a pas assez de sévérités pour une telle appréciation : c’est là, tout au moins, propositio piarum aurium offensiva, hæresi proxima. Car, dit-on à Rome, il n’est pas même concevable que les Italiens, qui, dans la Nouvelle Alliance, sont ce qu’était, dans l’Ancienne Alliance, le peuple élu de Dieu, aient pu rester en arrière dans le domaine de la théologie : ce qui est italien, dans ce domaine, est déjà, en soi, le juste et le vrai ; et ce qui s’en éloigne, c’est une périlleuse erreur.


Doellinger n’admettait pas que, lorsque l’Allemagne voulait