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La religion, professait-il, fournit des matériaux pour la philosophie, mais rien de plus ; la philosophie est seule souveraine ; elle renferme en sa sphère tous les dogmes de la révélation, aussi bien que ceux de la religion naturelle ; elle examine, en toute indépendance, la substance des doctrines chrétiennes, et détermine, en chaque cas, si oui ou non elles sont vérités divines. Libre à l’Église d’examiner, de son côté, les conclusions de la philosophie, et de décider si elles peuvent, oui ou non, être enseignées en théologie ; mais si elle les juge vraies, elle n’a aucun moyen de les démontrer telles ; et si elle les juge fausses, elle ne peut les convaincre d’erreur ; car la raison et la foi sont deux domaines distincts. Autre chose est ce que nous croyons, autre chose ce que nous savons. Une philosophie peut être en désaccord avec le dogme, et néanmoins, tout en même temps, le philosophe qui la professa peut continuer à croire tout le dogme. Car il sait que les résultats de la science sont certains, mais que la théologie est sujette à changemens, et c’est en raison de cette variabilité de la théologie qu’on peut escompter la future réunion des Églises, puisque l’évolution même des dogmes purifiera le catholicisme de tout ce qui est une entrave pour les autres confessions chrétiennes.


Mais la pensée de Frohschammer évoluait, elle aussi ; elle finissait par atteindre les extrêmes confins du libéralisme protestant ; elle affirmait que le Christ n’enseigna pas un système de doctrines, et que l’unité qu’il recommandait à ses fidèles n’était pas celle de la foi, mais celle de l’amour. Ainsi Frohschammer et le Saint-Siège suivaient deux routes nettement inverses : tandis que Rome, sans attacher expressément la valeur de dogmes à certaines opinions théologiques communes, exigeait du moins pour ces opinions une déférence de plus en plus assidue, Frohschammer ravalait les dogmes consacrés, immuables par définition, à n’être que de simples opinions théologiques, sujettes à correction, à contradiction, à perfectionnement.

Une lettre de Pie IX, du 11 décembre 1862, réprouva Jacob Frohschammer : « S’il faisait un pas, nous en ferions dix, » avait dit le nonce Gonella. Le prêtre bavarois fit un pas, mais ce fut pour sortir de l’Église.


V

Coup sur coup, des hauteurs du Vatican, la foudre tombait sur l’Allemagne Des commentateurs zélés interprétaient les actes pontificaux : la gravité du péril les amenait parfois, dans leurs commentaires sur les condamnations de la veille, à prévoir et à préparer les condamnations du lendemain. Théologiens