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argumens de convenance, par des analogies ; mais elle ne peut les démontrer par des argumens nécessaires et évidens. » Arrière donc les systèmes qui attribuaient aux motifs de crédibilité une valeur inévitablement contraignante ! « De toute évidence, disait encore le concile, ceux qui affirment que parfois le progrès exige qu’un dogme soit interprété dans un sens nouveau, renversent de fond en comble la foi tout entière. » Arrière donc toute tentative pour modifier avec la variabilité des sciences le sens et la portée des dogmes ! Enfin le concile, remontant jusqu’à la source même des erreurs günthériennes, notait, pour la sauvegarde des philosophes futurs, qu’ « il faut réformer les doctrines philosophiques selon la doctrine et selon l’esprit de l’Eglise, dès qu’elles touchent en quelque façon la vérité révélée. »

C’est ainsi que l’Eglise enseignante, en Prusse rhénane, répercutait et traduisait les échos du magistère romain. Günther avait voulu renouveler l’interprétation des dogmes eux-mêmes ; et les polémiques auxquelles il avait donné le branle conduisaient l’Eglise à proclamer qu’à côté des dogmes, dont le sens est immuable, il existe des opinions théologiques toutes proches de la foi, proximæ fidei, et qu’on ne saurait s’en détacher sans un grave risque d’erreur. En face du besoin de nouveautés qui travaillait la pensée allemande, l’Eglise de Rome mettait un surcroît de sollicitude à occuper ses positions traditionnelles, et à les défendre.


IV

L’activité littéraire d’un prêtre de Munich, Jacob Frohschammer, créait à cette même époque une autre occasion de conflits. Épris de spéculations philosophiques, Frohschammer, en 1847, avait accepté le sacerdoce comme un cadre d’existence, comme le terme d’une jeunesse difficile. Un livre qu’il avait publié en 1854 sur l’origine de l’âme humaine avait été mis à l’Index. Mais cette mesure n’avait eu d’autre effet que de faire émigrer Frohschammer de la faculté de théologie dans la faculté de philosophie, avec l’appui complaisant du gouvernement de Munich ; et du haut de sa chaire nouvelle, Frohschammer s’érigea en représentant de la « science, » que menaçaient en sa personne les congrégations romaines.