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sur la création, sur les rapports de la philosophie et de la théologie, de la science et de la foi ; il écrivit à Geissel le 15 juin que la théorie de Gunther sur l’âme humaine était contraire à la doctrine catholique.

Les deux brefs trouvèrent un accueil singulièrement différent : Geissel fut enthousiaste, Foerster ennuyé. Le prince-évêque de Breslau ne pouvait, du jour au lendemain, rompre avec ses amis günthériens ; il garda plusieurs mois dans son tiroir le message pontifical ; et lorsque, sous la pression de beaucoup de ses diocésains, il eut fini par le publier, tout de suite, afin de panser la blessure, il offrit une stalle de chanoine au professeur Reinkens, qui déclarait sans ambages qu’un cerveau sainement organisé ne pouvait être que giinthérien. Geissel observait au loin ces manèges, et s’alarmait surtout en constatant que Baltzer à Breslau et Knoodt à Bonn, malgré leur acceptation du verdict romain, continuaient d’enseigner comme si Pie IX n’eût jamais parlé. L’archevêque de Cologne avait l’expérience des frondes philosophiques : il se rappelait quelle peine il avait eue, jadis, pour traquer les résistances de l’hermésianisme. À quinze ans de distance, l’histoire recommençait. Geissel jugeait urgent d’interdire la fréquentation des cours de Knoodt ; aussi poursuivit-il la condamnation de ses écrits. Rome hésita longtemps, craignant l’émoi de l’Allemagne ; Knoodt avait écrit là-bas, peut-être ironiquement, qu’il piochait la Somme pour réfuter Gunther. Mais les instances de Geissel triomphèrent : à la fin de 1859, les livres de Knoodt et de Baltzer rejoignirent ceux de Gunther sur les listes de l’Index.

Le souple esprit de Baltzer n’était pas décontenancé : il avait, au cours de 1859, adressé au Saint-Siège, au sujet de l’unité de l’âme humaine, certaines questions philosophiques, dont il attendait, quelque peu narquois, la solution. Le Pape répondit, en avril 1860, en recommandant à Baltzer le respect de la solution théologique commune, et « tellement jointe au dogme de l’Église, qu’elle en est la seule interprétation légitime et vraie, et que donc on ne peut la nier sans erreur dans la foi. » Tout de suite après, le concile de Cologne, que présidait Geissel, formula les affirmations que les consciences croyantes devaient désormais opposer au günthérianisme.

« La raison, proclama le concile, peut illustrer les mystères et, dans une certaine mesure, les rendre manifestes, par des