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avoir entendu l’ordre donné aux gendarmes de ne quitter la chambre sous aucun prétexte et compris que toutes les issues étaient gardées, — le comte de Mesnard, sans demander de nouveau une permission obstinément refusée, donna dans la plaque le premier coup de pied qui appela l’attention des gendarmes. Une fois la décision irrévocable, Mme la duchesse de Berry ne fit point de reproches et se conduisit comme nous avons vu.

Ma mémoire ne me fournit aucune circonstance particulière sur son embarquement. Elle fut conduite, à bord de la Capricieuse, goélette de l’Etat, en prisonnière bien gardée, mais avec les égards dus à son rang et le respect acquis à des malheurs supportés avec un aussi grand courage.

Son arrestation ne provoqua aucune manifestation en Bretagne ni en Vendée. Elle montra un très vif dépit en apprenant que M. Guibourg restait à Nantes et parut très émue en s’en séparant. Du reste son calme, accompagné d’une sorte de gaieté et d’une complète liberté d’esprit, ne se démentit pas. Le zèle de M. de Mesnard suppléant à ses forces, il insista pour la suivre.

Elle laissa, parmi toutes les autorités de Nantes, un sentiment d’admiration et de sympathie dont le contre-coup retentit sur leurs chefs à Paris. Mais cela ne s’étendit pas au-delà et ne gagna pas le public. On voulait avant tout la tranquillité.

Au Conseil, M. Guizot se montra partisan des procédés généreux, et il proposa de diriger la Capricieuse sur Trieste. Mais M. Guizot, nouvellement arrivé aux affaires par l’obstinée exigence du duc de Broglie, avait peu de poids vis-à-vis de ses collègues, et la détention à Blaye fut décidée à une unanimité où il se rangea.

Dans la cachette même, où s’était réfugiée Mme la duchesse de Berry, on trouva les deux sacoches de cuir, désignées par Deutz, renfermant ses papiers les plus importans. Elles étaient réunies par une bretelle et la suivaient dans toutes ses pérégrinations, soit sur le col de son cheval, soit sur les épaules d’un guide.

Si on avait recherché les violences, il y avait de quoi porter le trouble et la proscription dans une multitude de familles ; mais on n’en fit aucun usage. C’est là où l’on trouva les lettres de Mmes de Chastellux et de Bauffremont engageant Mme la