Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 44.djvu/273

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de plusieurs heures n’amena aucun résultat. On avait fouillé partout sans même trouver les papiers signalés par Deutz, quoique plusieurs cachettes eussent été découvertes. Et on était réduit à croire qu’une communication, soit par l’intérieur des murs, soit par les caves, soit par les toits, permettait de quitter la maison.

Mais tout le quartier, circonscrit par quatre rues, était strictement gardé ; personne n’en pouvait sortir sans être soigneusement examiné. Il faudrait bien que la princesse, dont la présence était constatée en ce lieu, finît par être prise.

Telle était la première dépêche, écrite par M. Maurice Duval, en quittant le domicile de Mlle du Guigny, où il avait passé une grande partie de la nuit. Au moment de la cacheter, il ajoutait : « On vient me chercher. J’ai la satisfaction de vous annoncer que la duchesse est arrêtée ; j’expédie mon courrier et je me rends auprès d’elle. »

Le second rapport, parvenu le soir même où M. Thiers nous en parlait, contenait les détails suivans.

En s’éloignant, pour prendre un peu de repos, les chefs avaient distribué des gardiens dans toute la maison. Deux gendarmes, postés dans une petite pièce, dont la lucarne ouvrait sur le toit, et souffrant d’un froid très vif, s’avisèrent d’une cheminée placée dans l’encoignure.

La chambre était remplie de vieux journaux, et surtout d’une énorme liasse de numéros de la Mode : mauvaise publication protégée et payée par Mme la duchesse de Berry. Ils pensèrent à les utiliser en s’en chauffant, les empilèrent dans la cheminée et y mirent le feu.

Peu de minutes après, tandis qu’accroupis devant le foyer ils dégelaient leurs doigts, ils crurent entendre un bruit insolite derrière la plaque. Bientôt, on y frappa à coups redoublés. Ils appelèrent leurs officiers ; on se hâta de retirer les papiers enflammés, et la plaque, cédant aux efforts mutuels des assiégeans et des assiégés, tourna sur ses gonds.

« Cessez vos recherches, je suis la duchesse de Berry, » dit une femme en sortant sans assistance de la cheminée et en s’asseyant très calmement sur une chaise, tandis qu’on s’empressait à aider une seconde femme et deux hommes à se retirer, presque étouffés, de leur retraite brûlante.

C’étaient une demoiselle de Kersabiec, — Vendéenne