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beaucoup se passèrent dans mon salon, aboutirent le 11 octobre 1832 à la nomination d’un ministère composé du maréchal Soult à la Guerre, du duc de Broglie aux Affaires étrangères, de M. Barthe à la Justice, M. Humann aux Finances, M. Guizot à l’Instruction publique, l’amiral de Rigny à la Marine et de M. Thiers à l’Intérieur : c’est ce qu’on a appelé le grand ministère.

M. de Rigny et M. Pasquier avaient beaucoup travaillé à sa formation. Il a duré quatre ans, en subissant pourtant de fréquentes modifications.

Il avait mis pour conditions au Roi la marche d’une armée sur Anvers et l’arrestation de Mme la duchesse de Berry, si on ne réussissait point à lui faire quitter la Vendée avant la réunion des Chambres.

Son séjour prolongé en France semblait manifester une faiblesse qui excitait les cris de l’opposition ; on accusait le gouvernement d’impuissance ou bien de connivence.

Je m’épuisais presque chaque soir en vains efforts pour persuader à M. Thiers combien l’arrestation de la princesse lui susciterait d’embarras. Il reconnaissait préférable qu’elle s’éloignât d’elle-même, mais il n’admettait pas la gravité des obstacles que je lui prédisais.

Le pays, disait-il, n’était point fait à mon image, et cette capture exciterait beaucoup plus de satisfaction qu’elle ne soulèverait d’intérêt pour la princesse. M. Pasquier ne s’épargnait pas dans ces discussions.

M. Thiers avait une grande considération pour lui, et, plus par déférence que par conviction, il promit de se borner d’abord à traquer Mme la duchesse de Berry d’une façon si active, qu’elle ne pût douter des intentions sérieuses du nouveau cabinet, et d’essayer ainsi de la faire partir.

Je ne me fis aucun scrupule d’avertir des personnes de son parti de la disposition où l’on était. Mais, comme elles n’admettaient pas la réalité du système d’indulgence employé jusqu’alors, elles n’attachèrent aucune importance à mes paroles, ou y virent, peut-être, une manœuvre pour obtenir un départ qu’on ne pouvait forcer.

M. Thiers raconta historiquement un jour que M. de Saint-Aignan, le préfet de Nantes, ayant donné sa démission, M. Maurice Duval le remplaçait ; il était déjà mandé par le télégraphe. M. Pasquier garda un profond silence dont je fus frappée,