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M. Berryer obtint la promesse d’être reçu en particulier le lendemain. On le mena, avec de nouvelles précautions romantiques, dans un lieu où il passa la nuit. Un enfant de six ans le guida le matin vers une cabane où il trouva Mme la duchesse de Berry. Elle avait quitté son vêtement semi-masculin de la veille et était habillée en paysanne.

Toute cette petite Cour factieuse jouait au roman historique, jusqu’à ce point de se donner, pour sobriquet entre eux, les noms des personnages inventés par Walter Scott. Sa mode, alors à son apogée, n’a pas peu influé sur la conduite de ces héros improvisés d’une guerre civile heureusement impossible.

Cette fois, la princesse était seule et M. Berryer la trouva plus abattue et plus accessible à la raison. Elle commença par répéter que, si elle avait mal fait de venir en France, il n’en était pas moins bien fait d’y vouloir rester :

— Je m’y ferai tuer.

— On ne vous tuera pas, on vous arrêtera.

— Eh bien ! qu’on fasse tomber ma tête sur l’échafaud.

— On ne fera pas tomber votre tête, on vous fera grâce. Cette considération l’ébranla.

— On aura tort, reprit-elle, je recommencerai.

— Si vous indiquez ce projet, vous donnerez le droit de vous retenir indéfiniment enfermée.

— Enfermée ! Enfermée ! Et cette nature vagabonde et téméraire recula devant cette sorte de danger.

M. Berryer, prenant alors son avantage, le poursuivit, et ne s’éloigna qu’en emportant l’autorisation de tout préparer pour la fuite. Le rendez-vous fut donné, pour le surlendemain au soir, dans une lande près de la mer.

Marie-Caroline s’y trouverait avec deux compagnons ; et M. Berryer s’engageait à les faire embarquer dans la nuit. Enchanté de son succès, il retourna à Nantes prendre les dernières mesures pour un d’épart désiré par les sommités de tous les partis, mais qu’il fallait pourtant dérober à la plèbe gouvernementale, et aux extravagans amis de la princesse, ainsi qu’à l’opposition radicale.

Tandis qu’il s’occupait des soins nécessaires à cet effet, un messager inconnu lui remit des dépêches de Mme la duchesse de Berry. Elle refusait de partir, renonçait à le revoir, et le