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pouvait être, à ce moment, que le résultat d’un zèle subalterne et maladroit.

M. Berryer franchit donc, sans aucune peine, les obstacles qui devaient le tenir éloigné. Mais, arrivé à Nantes, la princesse lui fit attendre quelques jours une audience.

Il l’obtint enfin, avec des précautions dignes d’un chapitre de roman. Après avoir changé de guide, de monture, de déguisement, de mot d’ordre plusieurs fois dans une course de quelques heures, on l’introduisit dans une grande pièce où il trouva Mme la duchesse de Berry.

Elle était entourée d’un groupe fort animé et plein d’entrain ; plus loin, le maréchal Bourmont et quelques anciens vendéens portaient un visage soucieux. Après les premiers complimens, M. Berryer, ne souhaitant pas s’éterniser dans un séjour aussi compromettant, demanda une audience ; on lui répondit qu’on l’entendrait en conseil. La « Régente » s’assit à une table où prirent place Mme de La Rochejaquelein, Mlle Fauveau, le jeune La Tour du Pin, le vieux Mesnard ; enfin des écervelés et des nullités, aussi bien que le maréchal Bourmont, les comtes d’Autichamp et de Civrac.

M. Berryer produisit la note confiée à ses soins, et déduisit de son mieux les raisons de sagesse et de haute politique militant en faveur du parti qu’elle recommandait. Il fut appuyé par les chefs vendéens. Ils affirmaient qu’on ne réussirait à soulever ni la Vendée ni la Bretagne.

Pendant ce temps-là, les jeunes conseillers de régence haussaient les épaules ; Mlle Fauveau dessinait des modèles d’uniformes pittoresques pour les troupes, et Mme de La Rochejaquelein les soumettait à l’approbation de la princesse.

M. Berryer épuisait en vain sa rhétorique. Le maréchal Bourmont avait longtemps gardé un morne silence ; il s’aventura enfin à se ranger du côté de ceux qui conseillaient la retraite. Mme la duchesse de Berry, qui, depuis le commencement de la séance, se contenait avec peine, entra dans une véritable fureur. Elle reprocha au maréchal de l’avoir nourrie de fausses espérances, poussée à son entreprise, et placée dans une situation désespérée pour l’y abandonner :

« Au surplus, ajouta-t-elle avec véhémence, votre conduite est conséquente à votre caractère. Ce serait la première fois que vous n’auriez pas trahi ! » Cette scène violente termina la séance.