Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 44.djvu/252

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

il s’était bercé, et avait trompé les autres, que l’armée lui était passionnément attachée. Selon lui, toutes les troupes se rangeraient sous les ordres du vainqueur d’Alger dès qu’elles sauraient sa présence.

Aucune défection n’avait lieu cependant, et partout où l’on en venait aux mains, les militaires détruisaient les bandes insurgées. Toutefois, la conflagration s’accroissait et s’étendait, le gouvernement se décida à mettre les provinces de l’Ouest sous le régime exceptionnel de l’état de siège.

Cette mesure ne souleva aucune opposition. Fort peu de gens, au fond, désiraient la guerre civile. Et l’on reconnaissait généralement, dans cette décision, l’intention qu’avait le Cabinet de donner à Mme la duchesse de Berry un nouvel avertissement de s’éloigner ; et à ses partisans de rentrer dans la tranquillité qu’on était fort disposé à leur laisser.

Toutefois, un parti plus jeune, et partant plus énergique, se disposait de son côté à profiter, lui aussi, des embarras du gouvernement. Il s’était en quelque sorte compté le jour des obsèques de M. Casimir Perier, et il fit explosion lors de celles du général Lamarque, un des députés marquans de l’opposition.

L’émeute, dans cette circonstance, se grandit jusqu’à l’insurrection, et l’on put craindre le triomphe de l’anarchie.

Le Roi, prévenu, sur les huit heures du soir à Saint-Cloud, des inquiétudes du Cabinet, après avoir lu les dépêches des ministres et causé un instant avec le baron Pasquier, président de la Chambré des pairs, qui confirma la gravité des faits, demanda ses voitures.

La Reine, entourée des princesses et de ses dames, travaillait, selon son usage, à sa table ronde. Le Roi se plaça derrière sa chaise.

— Amélie, dit-il tout haut du ton le plus calme, il y a du bruit à Paris, je m’y rends. Veux-tu venir ?

— Assurément, mon ami,

— Eh bien ! prépare-toi, les voitures sont commandées.

Une demi-heure n’était pas écoulée, que le Roi, la Reine, Madame Adélaïde, la princesse Louise et le duc de Nemours étaient sur la route de Paris. M. le duc d’Orléans était absent, je crois. Les deux autres princesses et leurs jeunes frères restèrent à Saint-Cloud où l’agitation n’osa se manifester qu’après le départ