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la marche de la princesse, son parti avait dirigé du côté de Nice des individus destinés à donner le change sur la véritable route suivie par elle ; mais, lorsque son absence du Carlo-Alberto fut constatée, et cela demanda quelques jours, malgré le service du télégraphe, le bruit se répandit qu’elle avait repassé le Var.

Le gouvernement y crut, aussi bien que la plèbe du parti légitimiste.

Tout le monde était bien persuadé que Mme la duchesse de Berry avait repassé la frontière. On se disposait à prendre contre elle les mesures les plus sévères ; à fulminer une espèce d’ordre de courir sus, destiné à calmer les vociférations du parti républicain, — qui recevait alors le surnom des Bousingots, d’une espèce de chapeau que beaucoup avaient adopté.

Je savais le Conseil assemblé pour rédiger l’ordonnance, et M. le duc d’Orléans parlant le soir pour le Midi, lorsque j’appris d’une façon certaine que Mme la duchesse de Berry n’avait pas quitté le sol français. Une lettre de sa main, adressée au comité dont M. de Chateaubriand faisait partie, et de date fort récente, l’affirmait. On l’avait montrée à Mme Récamier pour qu’elle en informât M. de Chateaubriand alors en Suisse…

Bientôt après, sa traversée audacieuse du royaume fut connue, l’exactitude de ma communication confirmée, mais nos prévisions sur le lieu de son séjour trompées.


On se persuada d’abord qu’en se rapprochant des côtes de l’Océan, Mme la duchesse de Berry avait pour but de s’embarquer plus facilement dans un lieu où elle serait moins soupçonnée. Mais la Vendée ne tarda pas à se mettre en mouvement.

Partout de petites bandes d’insurgés se montraient et agitaient le pays sans l’entraîner ; partout, aussi, les chefs s’épuisaient en vains efforts pour ressusciter un parti carliste, sans avoir eux-mêmes l’espérance d’y réussir.

On n’aimait pas le nouveau gouvernement. Toutefois, il ne vexait personne, et, en Vendée comme ailleurs, la grande masse voulait vivre tranquille.

Cependant, d’anciens souvenirs, fortement excités par quelques prêtres et beaucoup de gentilshommes, parvinrent à réunir une espèce de noyau d’insurrection autour de Marie-Caroline dans les derniers jours de mai.

Le maréchal de Bourmont avait dû renoncer à l’illusion dont