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En approchant la côte d’Angleterre, Mme la duchesse de Berry, que son humeur vagabonde entraînait dans tous les coins du bâtiment, éclata tout à coup en cris et en sanglots.

Elle se précipita dans la cabine où se trouvaient réunis les princes et les principaux passagers, proclamant une infâme trahison du capitaine. Celui-ci, fort étonné, parvient enfin avec peine à la faire expliquer.

En errant sous le pont, elle avait saisi quelques mots du pilote proposant d’entrer dans la rade de Saint-Helens, le vent se tenant mauvais pour Spithead, et elle s’était déjà vue mettant à la voile pour le rocher ou une autre grandeur déchue avait récemment terminé sa brillante carrière.

Le capitaine dut avoir recours à l’inspection d’une carte pour calmer les alarmes si singulièrement conçues.

L’habitation de Lullworth, vaste pour des particuliers, paraissait bien étroite à des habitudes princières. Mme la duchesse de Berry surtout avait peine à se soumettre à la communauté, où elle se trouvait avec sa royale famille, et s’en affranchissait par de fréquentes absences…

Elle fit un assez long séjour à Bath. On manda qu’elle y était accouchée d’une fille ; la suite rend tout croyable. Dans le moment, je n’y vis qu’une calomnie de l’esprit de parti dont je fus indignée.

Les registres des aubergistes, répétés par les gazettes, nous apprirent que Mme la duchesse de Berry avait traversé l’Europe pour se rendre à Naples, où elle n’était aucunement désirée. Il n’y avait guère moyen toutefois de repousser absolument une sœur réclamant asile. On accepta donc une visite en refusant l’établissement.

Ce point fixé, elle fut bien accueillie. Elle se montra d’autant moins exigeante dans cette transaction qu’elle était, dès lors, sous l’influence de ses espérances, et en pleine intrigue pour leur exécution. Ses en tours ne doutaient pas plus qu’elle de leur succès. La princesse fit l’acquisition de deux bateaux à vapeur, destinés à parcourir la Méditerranée à l’effet d’entretenir et de faciliter les intelligences qu’elle pensait avoir en France.

L’un des deux lui échappa. L’autre, avec plus ou moins de complicité du gouvernement piémontais, arbora le pavillon sarde en restant à ses ordres, et devint ce Carlo-Alberto qui a