Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 44.djvu/247

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

s’éloigner avec le reste de la famille. Cela n’entrait plus dans ses projets.

J’ai aussi déjà dit sa folle satisfaction des Ordonnances et son puéril entrain de cette bataille des trois journées où la monarchie était en jeu. Lorsque le sort en eut fatalement décidé, la princesse ajouta à ces erreurs de jugement des actions niaisement ridicules.

Vêtue d’un costume masculin, et armée d’un pistolet, qu’elle tirait à tout instant, elle prétendait se montrer aux troupes dans cet équipage. C’est pendant la courte halte de Trianon qu’elle accomplit cette mascarade.

J’ai entendu raconter au duc de Maillé, premier gentilhomme de la Chambre, que, dans cette bagarré de Trianon, il se trouvait seul auprès du Roi, dans une pièce où Charles X s’était réfugié.

Le vieux monarque, très accablé, occupait un fauteuil sur le dossier duquel M. de Maillé s’appuyait. La porte s’ouvrit avec fracas, Mme la duchesse de Berry s’élança dans la chambre, en faisant ses évolutions belliqueuses, et tira son pistolet chargé à poudre.

Cette apparition ne dura qu’un éclair, mais frappa de stupéfaction les deux vieillards. Après un moment de silence, le Roi, se retournant vers M. de Maillé, lui dit piteusement :

— Comment la trouves-tu, Maillé ?

— A… bo… mi… na… ble, sire, répondit le duc, d’un ton tout aussi lamentable ; la force de la vérité l’emportant en cet instant sur les habitudes de la courtisanerie. Le pauvre Roi plia les épaules.

Le duc de Maillé racontait cette scène, dont le cadre était si déplorable, de la façon la plus amusante.

J’ignore quelles influences firent reprendre à Mme la duchesse de Berry le costume de son sexe ; mais elle ne conserva pas longuement celui dont le Roi et M. de Maillé se tenaient pour si mal édifiés.

Ceux qui accompagnaient la famille royale, dans cette incroyable retraite vers Cherbourg, remarquèrent la faveur dont M. de Rosambo jouissait auprès de la princesse. Mais les circonstances semblaient pouvoir excuser les privautés accordées à une personne complètement dévouée ; quoique, cependant, l’étiquette fût seule, dans ces jours néfastes, à conserver ses droits…