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une fin ; qu’il se souvienne toujours qu’ainsi que noblesse, et plus que noblesse sans doute, génie oblige. »

Après avoir parlé de celui qui fut non pas le dieu, mais plutôt le diable du violon, et parlé du violon même, je ne puis, faute de place, que citer les violonistes nombreux dernièrement entendus. Au Conservatoire, M. Hayot joua le concerto de Beethoven. A la Société Philharmonique, M. Hayot encore, MM. Unesco et Jacques Thibaud exécutèrent, deux par deux, puis tous les trois ensemble, une sonate de Bach, une autre de Haendel, enfin un triple et rayonnant concerto de Vivaldi. La même Société nous a donné la joie de réentendre le quatuor Rose, de Vienne, le premier peut-être des quatuors étrangers, et des autres, depuis que la mort a dissous le quatuor du grand Joachim. Avec une sonorité limpide et vraiment de cristal, dans un style où toute la profondeur de l’esprit s’allie à toute la simplicité du cœur, les quatre musiciens d’Autriche ont joué comme un seul musicien, qui serait un musicien hors ligne, les chefs-d’œuvre de leur patrie, ceux de Haydn et de Schubert. Enfin je vous signale une petite inconnue de treize ans, avec des cheveux blonds, qui n’a fait que passer, mais qui reviendra parmi nous. Son nom, qu’il faut retenir, est Viviane Chartres. Un matin elle joua, pour quelques-uns de nous seulement, la Chaconne de Bach, et j’oubliai toute la virtù d’un Paganini pour cette innocence, pour ce qu’il y avait d’émouvant et de presque sacré dans la rencontre du vieux chef-d’œuvre et de sa jeune interprète, pour le miracle et le mystère de tant de puissance et de grandeur, se laissant deviner et traduire par la faiblesse d’une enfant.


CAMILLE BELLAIGUE.