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Le second de ces ouvrages, consacré à la gloire du plus célèbre des luthiers italiens, nous est présenté comme complet et définitif dans une préface dont l’auteur avait deux fois qualité pour l’écrire, étant ambassadeur en Italie et violoniste. Le livre tient largement, si même il ne les dépasse, les promesses de l’introduction. D’abord, il est un manuel, bien plus, un traité technique de lutherie. Après l’avoir lu, plus rien de la constitution ni de la confection du violon ne nous est étranger. Nous avons appris à connaître, à comprendre, dès l’origine et dans son progrès ou son évolution, le métier, le génie du vieux maître qui, de ses mains légères, enfermait entre quelques lamelles de bois, comme en un tabernacle, le divin mystère des sons. Ces violons illustres, chefs-d’œuvre de son art, nous les voyons ici de nos yeux : de profil ou de face, des images finement coloriées nous les représentent. Et la voix de quelques-uns nous étant connue, il nous semble tous les entendre. Nous les admirons, nous les aimons d’abord pour leurs formes : pour la finesse de leur col et la fierté de leur tête, pour la rondeur de leurs « voûtes » ou la courbe de leurs flancs. Pour leurs couleurs aussi, pour le vernis transparent et chaud qui les revêt, sans les cacher, d’ambre, de pourpre ou d’or. Enfin, — et par là ce livre, technique ou de métier, devient un livre d’art, — l’histoire d’une famille ou d’une race fameuse d’instrumens nous inspire plus d’admiration et de tendresse, une sorte de pieux respect, pour l’instrument lui-même. Nous sentons mieux, nous honorons davantage son éminente dignité, nous rappelant qu’il fut toujours et qu’à jamais il restera le confident, l’interprète le plus noble, le plus près lui aussi d’être humain, de la pensée et de l’âme humaine s’exprimant par les sons.

Nous avons quelque raison de croire qu’il ne fut pas tout à fait cela sous les doigts d’un Paganini. Le plus fameux des violonistes parait assez loin d’en avoir été le plus grand. Sans doute, et d’abord, et c’était merveille de le voir. » Son biographe nous retrace, d’après les contemporains, la silhouette ultra-pittoresque de l’étique, fantastique et presque diabolique personnage. Si, de son vivant, il semblait étrange, il garda jusque dans la mort un aspect singulier et même excentrique : le col enveloppé d’une immense cravate blanche et le front couronné d’un bonnet de coton sur lequel un ruban bleu nouait une large rosette. Son destin non plus, sans parler de ses triomphes inouïs, ne fut point ordinaire. Sa vie est une sorte de roman d’aventures, et des aventures les plus diverses. La part même de la légende étant faite, elle contient encore de l’histoire, ou des histoires assez