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tapageur, baroque, trouve toujours des amateurs. Des étoffes de couleurs criardes, des instrumens de musique bruyans, des parfums très violens sont ce qu’ils aiment le mieux parmi les produits étrangers. Il est rare qu’un observateur ordinaire admire la psychologie de la période Fujiwara, l’esthétique des Ashikaga ou la simplicité archaïque d’un Kobori-Enshu : de même le Japonais préfère une chromolithographie d’Épinal aux œuvres des maîtres de l’Ombrie et de la Toscane, les chansons du café-concert à une fugue de Bach ou à une sonate de Mozart.

Heureusement les écoles d’art attachent aujourd’hui plus d’importance à la préservation de l’art ancien. Leurs efforts, hélas ! viennent bien tard, car déjà on a perdu beaucoup de précieuses reliques de l’antiquité et le goût du peuple se déprave de jour en jour. D’ailleurs, même en prenant toutes les mesures de préservation, il est devenu impossible d’enrayer le mouvement général qui emporte toutes les conquêtes de la civilisation. L’art japonais, avec ses perfections, sa délicatesse, ses finesses de nuance, appartient au passé. Depuis la Restauration, il n’y a ni artistes, ni écrivains remarquables. Les idées nouvelles n’ont pas encore eu le temps de se cristalliser et les anciennes meurent. « Aujourd’hui l’abondance de connaissances occidentales nous embarrasse, » dit M. Okakura, le sagace critique dont le goût raffiné rappelle les esthètes de l’âge d’or de l’art japonais, et il ajoute :


Le miroir de Yamato est voilé, comme nous disons. Avec la Révolution le Japon, il est vrai, se retrempe dans le passé, y cherchant la vitalité nouvelle dont il a besoin. Comme toute véritable rétroaction, c’est une réaction, mais il y a changement tout de même. Car au lieu du culte de la nature dans l’art, auquel s’étaient voués les Ashikaga, c’est à célébrer la race et l’homme lui-même que l’art se consacre désormais. Nous sentons instinctivement que le secret de notre avenir gît dans notre histoire, et nous y cherchons aveuglément, passionnément le fil conducteur. Si l’instinct est fidèle, si vraiment notre passé contient quelque source de renouveau, cette source est bien cachée et il nous faut faire des efforts puissans pour la découvrir ; il y a urgence aussi, car la soif brûlante de la vulgarité moderne dessèche la gorge de la Vie et de l’Art.


Mais revenons aux questions d’éducation proprement dites. Il est moins facile d’apprécier l’enseignement supérieur : l’instruction y varie beaucoup. Les demandes sont nécessairement plus nombreuses et plus difficiles à satisfaire. Les rapports entre