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façons des bébés japonais ont été souvent remarquées par les étrangers et commentées par les écrivains, mais la vie de dévouement des parens n’a jamais été suffisamment racontée. Ils se privent continuellement et sans une plainte afin de rendre agréable le toit paternel. Pour éveiller chez l’enfant des sentimens plus tendres, ils l’entourent d’affection et lui donnent l’occasion d’exercer sa piété filiale qui est la base, non seulement de l’amour et du dévouement envers les parens, mais aussi de l’obéissance à l’autorité et de la loyauté envers le souverain[1].

Des enfans élevés dans de pareils sentimens sont d’excellens sujets pour les écoles primaires. Les maîtres n’ont aucune difficulté à maintenir la discipline, et les enfans font de rapides progrès, car tous étudient avec persévérance, sinon par amour pur de l’étude, du moins par respect de soi et pour ne passe déshonorer ou déshonorer leurs parens.

Pour donner l’idée du caractère de l’étudiant japonais, nous nous ne pouvons mieux faire que de reproduire l’opinion du professeur B. H. Chamberlain, qui parle après de longues années d’expérience :


Quant à l’étudiant japonais, il appartient à cette classe de jeunes gens qui font le bonheur de l’instituteur, — tranquille, intelligent, poli, studieux à l’excès. Son seul défaut marquant est une tendance, commune à tout subordonné japonais : une tendance à vouloir diriger la barque lui-même. « S’il vous plaît, monsieur, nous ne voulons plus lire l’histoire de l’Amérique. Nous voulons lire un livre sur la construction des ballons. » Voilà un spécimen des demandes qu’un instituteur au Japon entend continuellement. L’insubordination, — inconnue sous l’ancien régime, — était devenue fréquente vers la fin du XIXe siècle ; presque chaque trimestre, les élèves de quelque grande école refusaient de travailler parce que les méthodes ou la direction de leur professeur leur déplaisaient. Il se forma ainsi une classe de jeunes gens tapageurs, appelés Soshi, agitateurs se mêlant de politique, prétendant imposer leurs opinions et leur présence aux hommes d’État et fonçant, casse-tête ou couteau en main, sur quiconque osait ne pas penser comme eux.

  1. L’enfant japonais vit dans l’intimité, en communauté absolue, dans le sens le plus strict du mot, avec ses parens. Chez les plus pauvres, jusque ce que l’enfant marche, la mère l’attache par une courroie sur son dos et l’emmène avec elle quand elle va aux champs travailler. Peut-être ces sorties au grand air, cet aspect du monde extérieur contribuent-ils à ouvrir l’intelligence et à détruire toute timidité. Nous ne devons pas oublier non plus qu’un enfant japonais est, dès sa naissance, un personnage de quelque importance, un être social qui participe à tous les avantages et désavantages de sa situation.